→ Pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont vous incluez le projet Convoi 77 dans vos cours et sur les sources que vous utilisez ?
Le projet débute en septembre pour les élèves mais nous commençons à le préparer dès le mois de mai afin que les principales informations, les archives disponibles et les documents que nous souhaitons proposer aux élèves soient prêts dès le début de l’année scolaire. Puis, chaque année une heure hebdomadaire intégrée dans l’emploi du temps des élèves est dédiée aux activités menées dans le cadre du projet Convoi 77 et concerne essentiellement le travail d’enquête historique, de rédaction biographique, de production artistique et de réalisation de vidéos.
D’un point de vue pratique, nous utilisons dans un premier temps les archives qui sont mises à notre disposition par l’association Convoi 77 et qui sont issues de la Division des archives des victimes des conflits contemporains, une très bonne base qui nous permet d’obtenir d’emblée des renseignements très importants pour la suite du projet. Ensuite, en fonction de l’histoire et du parcours de chaque déporté sur lequel nous faisons travailler les élèves, nous entreprenons des démarches auprès d’institutions spécialisées (le Mémorial de la Shoah, les archives de Bad Arolsen-ITS, les archives municipales et/ou départementales notamment) et nous cherchons aussi à établir des contacts avec des membres de la famille du ou des déporté(s).
→ Avez-vous eu la chance de rencontrer et de discuter avec d’autres membres de la famille des déportés ? Quelles émotions cela a-t-il créé pour vous et les élèves ?
Oui, nous avons eu la chance d’échanger par écrit avec Marie, la sœur de Bernard Goldstein (voir biographie) dont mes élèves ont rédigé la biographie en 2017-2018. Nous avons réussi à établir un contact avec elle par l’intermédiaire de sa fille mais cela n’était pas évident car elles vivent toutes les deux aux Etats-Unis !
J’ai, par ailleurs, eu la chance de rencontrer plusieurs fois Mina Bender, la sœur de Jacques (voir biographie), Dora (voir biographie) et Jean (voir biographie) dont mes élèves ont raconté l’histoire en 2018-2019. Ces moments d’échanges ont été très forts sur le plan humain et nous avons tenu à la tenir informée régulièrement du déroulement du projet. Mes élèves n’ont hélas pas pu la rencontrer car elle habite à l’autre bout de la France mais nous avions enregistré avec les élèves une vidéo dans laquelle quelques volontaires se présentaient et lui expliquaient la nature de leur travail, tout en s’attachant à préciser ce que le projet leur apportait. Nous avons apporté la vidéo à Mina qui a été très touchée par cette attention. En retour, elle a accepté que nous réalisions, chez elle, une vidéo dans laquelle elle adressait un message aux élèves. Ils étaient très fiers et émus d’avoir ainsi pu établir un contact avec elle.
→ Quelles difficultés – le cas échéant – rencontrez-vous habituellement ?
Réaliser un tel projet comporte une difficulté intrinsèque, liée au niveau d’exigence requis. Néanmoins, au cours des quatre dernières années, les élèves n’ont pas été confrontés à des difficultés majeures qui auraient empêché le projet d’être mené à son terme. Au contraire, nous avons pu constater, face aux difficultés, que les élèves les plus à l’aise à l’écrit et/ou à l’oral venaient spontanément en aide aux élèves qui pouvaient se trouver en difficulté au cours de l’enquête historique et de la rédaction biographique.
Enfin, en raison de la disparition de certaines archives et des témoins, les élèves sont nécessairement confrontés à la difficulté de raconter la vie des déportés sans forcément avoir toutes les informations qui pourraient les intéresser. Là encore, ils ont su dépasser ces difficultés en imaginant de nouvelles manières de raconter et en faisant parfois appel à leur imagination. Ce fut, par exemple, le cas en 2018-2019 lorsque les élèves ont inventé des dialogues entre Jacques, Dora et Jean Bender, trois enfants déportés ensemble le 31 juillet 1944 (voir dialogue). A la lisière de la démarche scientifique engagée, ces dialogues sont venus enrichir le récit historique en lui apportant une sensibilité qui nous semble pertinente.
→ Quel type de réactions/interactions votre travail a-t-il reçues jusqu’à présent ?
Le projet Convoi 77 s’est, au fur et à mesure, parfaitement intégré dans le projet d’établissement du collège et à chaque fin d’année scolaire, nous avons de plus en plus d’élèves de 4e qui nous font part de leur volonté d’intégrer la classe à projet en 3e. C’est, pour nous, le signe que le projet s’est ancré et qu’il est porteur de sens pour les élèves. D’autre part, comme je l’indiquais plus haut, nous attachons une grande importance au fait de tenir informées régulièrement les familles des déportés quant au déroulement de notre travail. Nous échangeons alors sur les productions réalisées par les élèves et c’est toujours très enrichissant. Notre projet a, par ailleurs, été deux fois lauréat du prix Ilan Halimi décerné par le Conseil départemental de l’Essonne en 2018 et en 2019. C’est pour nous tous, enseignants et élèves, une immense reconnaissance et une très grande fierté !
Enfin, le journal Libération a évoqué notre travail dans un article publié le 23 janvier 2019 à l’occasion de la grande réunion de restitution organisée à l’Hôtel de Ville de Paris par l’association Convoi 77 et lors de laquelle mes élèves avaient présenté leur travail (voir l’article). Plus récemment, Le Monde a publié une tribune que j’ai écrite sur le projet à l’occasion des commémorations du 27 janvier 2021 (voir l’article) et la Fondation Seligmann a publié un article consacré à notre travail dans la rubrique « Exemple à suivre » de son journal Après-demain (juin 2021) (voir l’article).
→ D’après votre expérience, comment le Convoi 77 aide-t-il les élèves à comprendre l’histoire de la Shoah ? Et comment les élèves eux-mêmes le perçoivent-ils habituellement (en termes d’émotions, de connaissances acquises, etc.) ?
Après quatre années d’engagement dans ce projet, j’ai pu mesurer l’étendue des apports pédagogiques, civiques et mémoriels de la démarche et notamment de l’approche individuelle dans l’étude de la Shoah. Ma façon d’enseigner la Shoah a été totalement transformée notamment à travers l’approche microhistorique qui permet, selon moi, d’attirer l’attention des élèves sur l’écueil qui consisterait à réduire chaque déporté à son statut de victime. Par ailleurs, le projet, en s’inscrivant sur l’ensemble de l’année scolaire, me semble très bénéfique, tant en matière d’acquisition des connaissances qu’en matière de réflexion citoyenne.
De plus, permettre aux élèves de prendre la plume pour écrire, par eux-mêmes, une page de l’Histoire a aussi constitué un formidable moyen de renforcer leurs connaissances, leurs outils méthodologiques et leur autonomie. Ils ont aussi, incontestablement, gagné en confiance et n’hésitent plus, en fin d’année scolaire, à prendre la parole pour expliquer la nature du projet et leurs productions.
→ Après de nombreuses années à travailler sur le projet, qu’est-ce qui vous motive le plus ?
Les élèves sont mon moteur ! Ce qui me motive le plus c’est de constater leur niveau d’engagement dans le projet, leur attachement à la démarche et au travail que nous leur proposons de réaliser au cours de l’année. C’est toujours très fort d’être témoin de l’émotion et de la fierté qu’ils témoignent lorsqu’ils sont amenés à présenter le projet et leurs productions.
Les apports pédagogiques, civiques et mémoriels constatés depuis quatre ans sont aussi une immense source de motivation car ils sont la démonstration que ce projet est non seulement utile et mais qu’il est aussi absolument nécessaire.
Merci à Clément Huguet et à ses élèves pour leur temps et leur engagement.
Retrouvez toutes les biographies produites par les élèves en suivant ces liens :
→ https://convoi77.org/deporte_bio/jean-bender/
→ https://convoi77.org/deporte_bio/dora-bender/
→ https://convoi77.org/deporte_bio/jacques-bender/
→ https://convoi77.org/deporte_bio/bernard-goldstein/
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L’expérience de l’équipe Convoi 77 de Sciences Po
Après huit mois de travail collectif, l’équipe Convoi 77 de Sciences Po de l’année académique 2020/2021 conclut ses activités, qui seront poursuivis par la prochaine équipe en automne. Ce projet unique a permis à quatres étudiants en master – Despina, Laure, Benjamin et Moritz – de se rencontrer et de travailler ensemble sur la mémoire de la Shoah malgré le fait qu’ils suivent des masters différents.
Bien que la pandémie ait compliqué certains aspects du travail de l’équipe comme la prise de contact avec des enseignants et élèves qui ne participent pas encore au projet de Convoi 77, l’équipe a pu établir de nouveaux contacts en Grèce, Roumanie, Autriche et Lettonie avec des établissements scolaires, des centres de l’Holocauste et des femmes politiques européennes. En plus, la virtualisation a rendu possible la participation aux réunions et webinaires à l’étranger comme celui du Ministère de l’Éducation autrichien en janvier 2021 ainsi que le travail collectif à travers trois pays de l’UE.
L’équipe Convoi 77 de Sciences Po est très heureuse d’avoir pu contribuer au travail du projet européen Convoi 77 et souhaite beaucoup de succès et de joie à ses successeurs.
L’équipe de Sciences Po, Oct. 2020 – Juin 2021
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Aide et conseils sur la plateforme Convoi 77
http://www.edu.convoi77.org
1. EDU est une plateforme pour VOUS et vos classes afin de mieux gérer votre projet : c’est là que l’équipe de Convoi 77 partage avec vous les documents qu’elle possède concernant les déportés sur lesquels vous travaillez!
2. Pour accéder aux documents mis à votre disposition, sélectionnez “Mon éditeur de biographie”, pour chercher le nom du déporté en question dans la barre de recherche. Cliquez sur son nom, puis sur “View déporté” en haut à gauche.
3. Pour mieux comprendre comment utiliser la plateforme, vous pouvez utiliser les “tutoriels” présents sur le site.
4. Posez toutes vos questions et partagez vos idées ou réflexions avec les autres professeurs du projet ainsi qu’avec l’équipe sur le “forum”!
5. Vous pouvez notamment organiser des visites au Mémorial de la Shoah ou dans d’autres lieux de mémoire ailleurs en France en sélectionnant “Les étapes du Projet” puis “Visiter un lieu de mémoire”.
6. Mettez le site edu.convoi77 en favori pour y avoir accès plus facilement!
Une question ? N’hésitez pas à contacter l’équipe France et International de Sciences Po à l’adresse suivante : convoi77.equipesciencespo@gmail.com |