1905 - 1944 | Miejsce urodzenia: , | Miejsce aresztowania: | Miejsce zamieszkania: , , ,

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Yaich TIMSIT, 1905 – 1944

 

Notre classe de 3.3, de l’école internationale de Casablanca au Maroc, sous la direction de Mme Zriwil, a découvert le Projet Convoi 77 au mois de Février 2020. L’idée de ce projet nous a paru intéressante : raconter l’histoire de TIMSIT Yaich, un citoyen marocain de confession juive qui est mort en déportation vers Auschwitz dans le dernier Convoi, en juillet 1944.

 

Pour réaliser ce projet, nous nous sommes mis dans la peau d’investigateurs. Nous avons également dû nous adapter au contexte sanitaire actuel. Grâce à l’aide de l’ONAC VG, nous avions accès à plusieurs documents d’archives qui nous ont orientés dans la réalisation de cette biographie. Mais nous avions besoin de plus … Nous avons donc cherché à contacter la famille de Yaich, et nous les avons retrouvés. Nous avons également pris contact avec M. Farid El Asri,  anthropologue et Docteur en Sciences Politiques et Sociales à l’Université Catholique de Louvain (ULC),  Professeur-associé à Sciences Po Rabat (UIR) et chercheur associé au CNRS ; et M. Michel Boyer, Docteur en Histoire des Relations Internationales et ancien Officier Supérieur, professeur affilié à Sciences Po Rabat (UIR).

 

Cela a été pour nous une belle aventure qui s’est achevée avec la réalisation d’un court métrage. Voici donc l’histoire de Yaich TIMSIT.

 

Le Dimanche 23 avril 1905, à Mogador (actuelle Essaouira – Maroc), une belle nouvelle remplit le cœur des TIMSIT : l’arrivée au monde de leur fils Yaich, יאִשׁ,  يعيش. C’est un prénom israélien dont la signification arabe signifie “être vivant”. Ce prénom avait une signification si forte, si emblématique pour nous. C’est ce qui nous a poussé à devenir des “passeurs d’histoire” : en honorant la mémoire de Yaich, nous espérons pouvoir donner tout le sens à son prénom.

 

Acte de naissance de TIMSIT Yaich

 

Ne pouvant pas nous déplacer à Essaouira, nous avons tenté de contacter le musée juif d’Essaouira, Bayt Dakira, mais en vain. Nous nous sommes donc intéressés à un documentaire sur ce dernier qui nous a permis d’avoir plus d’informations sur l’enfance de Yaich.

C’était le fils de Joseph TIMSIT, commerçant à Mogador et de Rachel TIMSIT née Abecassis. Ils vivaient en harmonie avec la communauté musulmane. Ils vivaient au Mellah, un quartier exclusivement désigné aux marocains de confession juive. Yaich allait à l’école de l’Alliance Israélite Universelle, comme les autres enfants de la même confession religieuse que lui.

Rue du Mellah, Mogador (Essaouira)

 

Dans les années 1910, il quitte le Maroc pour aller une première fois en France avec ses parents. A cette époque, la France comptait plus de 15 000 travailleurs marocains.

 

En 1914, alors qu’il n’avait que 9 ans, le monde connut une Première Guerre mondiale. C’était une guerre d’anéantissement où les femmes ont eu un rôle important, puisqu’elles remplaçaient les hommes dans les usines. Son père a continué à exercer son métier d’ouvrier et n’a pas participé à la guerre.

 

Pendant ce temps, Yaich grandissait et nourrissait ses rêves d’enfants. Il espérait un avenir plus prospère. C’est devenu un jeune homme accompli et distingué. C’est alors qu’il rencontre Hassiba Alice Suissa, une jeune marocaine de confession juive, également native de Mogador. Il est épris d’elle et se voit construire un avenir à ses côtés.

Photographie de TIMSIT Yaich

 

Le 15 mars 1933, alors âgé de 28 ans, il épouse sa bien-aimée à la Synagogue de Casablanca où ils font vœu de rester unis, de se respecter pour le meilleur comme pour le pire. Le jeune couple va vivre au Mellah de Casablanca. C’est au 30 rue Worthington, actuelle rue Mohammed Tabit ,  qu’ils demeurent pendant un moment.

Acte de mariage de TIMSIT Yaich et de SUISSA Hassiba Alice

 

La crise de 1929 fait chuter l’économie marocaine. Plusieurs personnes décident alors d’émigrer dans des pays où la situation est plus stable. Dans l’entre-deux-guerres, de l’autre côté de la Méditerranée, la France est en pleine émancipation : les accords de Matignon permettent l’augmentation des salaires, assurent la liberté syndicale, et instaurent des conventions collectives. Le temps de travail hebdomadaire passe de 48 à 40 heures, et deux semaines de congés payés sont assurées aux salariés.

Ainsi, TIMSIT Yaich souhaite revenir en France. Il estime qu’un meilleur avenir les attend dans cette partie du globe. Ce rêve ne tardera pas à se réaliser puisqu’il ira travailler dans la Manufacture des Glaces et Produits Chimiques de Saint-Gobain, à Saint-Fons  dans le Rhône, où il avait déjà travaillé auparavant en tant que mécanicien.

TIMSIT Yaich – 1er rang à droite accroupi (1940)
Employé à l’usine de Saint Gobain de Saint Fons (Rhône)

 

C’est là que Timsit Yaich et son épouse, Alice, fondent leur famille composée de Timsit Joseph, leur aîné, né le 27 mai 1934 – Timsit Henri né le 22 octobre 1936 – et de Timsit Simon, né le 20 janvier 1941.

TIMSIT Yaich – dernier rang 4ème à partir de la gauche

Photo de mariage de sa nièce (1943)

 

Le 1er septembre 1939, le monde entre en guerre. C’est le déclenchement d’un conflit idéologique planétaire.

 

En 1940, la France est attaquée par l’Allemagne nazie et la défaite est rapide. Un mouvement de panique se déclenche par l’exode massif des Français vers le sud pour fuir l’avancée des troupes allemandes .

Le gouvernement perdu, appelle le Maréchal Pétain au pouvoir. Il devient alors Président et met fin à la IIIe République. C’est le régime de Vichy. Il demande alors l’armistice aux Allemands. La France est divisée en deux : le Nord et l’Ouest forment la zone occupée par les Allemands. Le Sud du pays est une zone libre séparée par une ligne de démarcation.

 

Dans le Rhône, Lyon est le centre de la  Résistance juive. Yaich continue à travailler à l’usine. Il est serein et pense qu’il ne sera pas une victime de guerre. Mais, en juillet 1944, les arrestations, les tortures et les déportations atteignent leur maximum.

 

C’est un mercredi après-midi, le 7 juin 1944, Yaich a 39 ans, il finit une longue journée de travail et compte rejoindre sa famille. Toutefois, les Allemands l’en empêche en le déportant vers Drancy.

Attestation de travail de TIMSIT Yaich qui indique aussi le jour de son “arrestation pour déportation en Allemagne”.

 

Sans nouvelles de son époux, Alice adresse une lettre au Ministre des Prisonniers déportés et Réfugiés à Paris, le 9 octobre 1944 :

Lettre de Alice TIMSIT adressée au Ministre des Prisonniers et déportés réfugiés à Paris (1944).

 

Ce qu’elle ne savait pas en rédigeant cette lettre, c’est que Aloïs Brunner, alors commandant du camp de Drancy, en région parisienne, ordonne le dernier grand convoi. C’est le Convoi 77 qui part vers Auschwitz le 31 juillet 1944 en emportant 986 hommes et femmes ainsi que 324 enfants. Yaich y signera son arrêt de mort.

Extrait des déportés du Convoi 77

 

Ce qu’elle ne savait pas non plus, ce sont toutes les atrocités qu’il a vécu lors de ce convoi. D’abord les wagons où ils étaient tous entassés, comme des cadavres, alors qu’ils étaient vivants. Yaich a été marqué, battu, menacé, et puis exterminé. Malgré tout, le chant de Dachau raisonnait …

 

Les Barbelés chargés de mort

Entourent notre univers.

Un ciel sans pitié

Envoie gel et coup de soleil. 

Loin de nous sont toutes les joies,

Loin les femmes, loin la patrie,

Lorsque nous partons au travail ;

Des milliers, silencieux, à l’aube.

Mais nous avons appris la leçon de Dachau

Et sommes devenus durs comme l’acier :

Sois un homme, camarade,

Reste un homme, camarade,

Il faut s’y mettre, camarade, 

Car le travail c’est la liberté”

 

Nous avons tenté de comprendre ce qu’avait vécu TIMSIT Yaich, mais cela dépassait tout ce que nous avions connu … Aussi, nous nous sommes intéressés aux témoignages d’anciens déportés qui ont survécu, dont celui de Henri Kichka qui a affirmé que : “Le pire c’était la nourriture, quand elle était là … du pain sec et de la soupe. On crevait, nous étions des déchets,  j’étais un demi cadavre”.

 

Alice n’a jamais pu dire adieu à son mari. Tout ce qu’elle a reçu c’est une lettre … l’informant du décès de son époux.

Réponse du Ministre des Prisonniers et déportés
réfugiés à Paris (1948)

 

Voulant faire honneur à son défunt mari, Habiba Alice TIMSIT, envoie de nouveau une lettre au ministre des anciens combattants à Paris, le Lundi 6 décembre 1948. Elle y demande le changement de statut pour son mari avec la mention “Mort pour la France”

Lettre de Alice TIMSIT à l’attention du Ministre des Anciens Combattants (Paris) – 1948

 

La réponse sera positive puisque cette mention a été inscrite dans l’acte de décès de TIMSIT Yaich.

Inscription de la mention “Mort pour la France” dans l’acte de décès de TIMSIT Yaich – 3 février 1949

 

Elie Wiesel a dit “Tous les peuples qui ne connaissent pas leur histoire sont appelés à la revivre”. Grâce à toi Yaich, nous avons une mémoire mais aussi une vision sur l’avenir.

 

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