Vida BENIACAR, née Vidah BENSIGNOR, 1886 – 1944
Quelques remarques…
Contrairement à nos autres camarades, nous avons eu la chance d’avoir retrouvé des descendants de Vida Benyacar, grâce aux réseaux sociaux !!! ce qui nous a permis d’avoir accès aux souvenirs de sa famille.
D’abord deux de ses petits-fils. Michel et Bernard qui ont été pour nous d’un grand soutien. Ils nous ont envoyés des photos, des informations et nous avons eu la chance de rencontrer Bernard qui est venu dans notre lycée pour témoigner. Les deux petits-fils ont été très touchés par le travail que nous avons réalisé sur leur grand-mère qu’ils n’ont pas connu. Et ils ont même appris des choses !!!
Ensuite Jean-Jacques Bensignor, le petit-fils d’un des frères de Vida. Celui-ci nous a indiqué qu’un livre avait été écrit par un membre de sa famille pour raconter leur histoire. Il s’agit de la Mare aux tortues de Maurice Deunailles. Nous avons eu la chance d’échanger avec sa fille Corinne Deunailles qui a offert au CDI de notre établissement un exemplaire de ce récit et dont le témoignage a été très instructif, notamment sur la période où la famille vivait dans l’Empire Ottoman.
Sa biographie
Vida est née le 8 septembre 1886 à Aydin en Turquie d’une union entre Zimboul HOULY et Samuel Bensignor.
Bensignor est un nom typiquement hispano-mauresque. Ben signifie en arabe « fils de » et signor (señor) veut dire « seigneur » ou « monsieur » en espagnol. Nés en Turquie, les Bensignor ont acquis à Aïdin une instruction française grâce à l’école de l’Alliance israélite universelle. Ils habitaient la Mare aux tortues[1].
Samuel Bensignor et Zimboul Houly ont eu 5 enfants : 3 garçons et 2 filles : Haïm, Isaac, Maurice, Vida et Judith.
Arbre généalogique tiré du livre : La Mare aux tortues, de Maurice Deunailles
Photographie de Zimboul Houly, la mère de Vida.
Celle-ci est née à Aydin et a été inhumée au cimetière israélite de Versailles en février 1937 (Source privée : Documents personnels envoyés par Michel Beniacar, petit-fils de Vida)
En 1910, le frère de Vida, Isaac Bensignor émigre en France. Il fait venir de Smyrne son frère Maurice.
Les deux frères gagnent leur vie comme marchands forains dans le textile au marché aux puces de la porte de Clignancourt et sur les marchés de banlieue. Puis ils ouvrent un magasin de bonneterie au 104, rue d’Aboukir, à Paris. En 1920, Isaac et Maurice font venir leur frère Haïm Bensignor.
Vida, quant à elle vit à Aydin. Elle est mariée avec Nissim Benyacar et aura 6 enfants : 5 garçons : Henri,
Samuel, Sadia, Joseph et Maurice et une fille Renée-Allegre.
On peut voire Vida au centre de la photographie avec ses 6 enfants (Source privée : Documents personnels envoyés par Michel Beniacar, petit-fils de Vida)
Nissim, aurait été tué au front pendant la guerre gréco-turque4 entre 1919 et 1922. Ce conflit chasse la famille d’Aydin, qui se réfugie à Smyrne. Mais Vida décide de partir en France avec ses enfants rejoindre ses frères en 1924.
Pour s’intégrer en France, elle a dû, comme certains de sa famille, franciser son prénom. A l’origine, son prénom comportait un « h », pour le franciser, ce dernier a dû disparaître.
Les enfants les plus âgés ont dû travailler pour faire vivre la famille et permettre aux deux plus jeunes de faire des études.
Vida a habité au 163 rue de Paris aux Lilas, c’est son dernier domicile avant son arrestation.
Photo de famille prise dans la cour de la synagogue de Versailles le 4 Février 1934
La guerre gréco-turque de 1919-1922, est un conflit qui oppose la Grèce aux révolutionnaires turcs kémalistes, entre les mois de mai 1919 et d’octobre 1922. En effet à la fin de la première Guerre mondiale, la Turquie semble très affaiblie et la Grèce estime qu’elle pourra étendre sa souveraineté en Asie mineure. En mai 1919, un corps expéditionnaire grec débarque à Smyrne et commence la conquête de l’arrière-pays, pénétrant jusqu’au cœur de l’Anatolie, mais les Turcs résistent et reprennent l’avantage dès août 1922, reconquérant Smyrne le 9 septembre.
On pense que la politique d’Atatürk a conduit Vida à quitter la Turquie. En effet, Mustafa Kemal met en place une République turque moderne en imposant de nouvelles lois très rigoristes et contraignantes : il était désormais interdit de parler autre chose que le turc et les minorités étaient tolérées à condition de prendre la nationalité turque et de se plier aux lois de la nouvelle jeune république, comme dans n’importe quelle nation. La vie communautaire prenait fin et avec elle un mode de vie ancestral. Dans ces conditions beaucoup de Juifs, désorientés, ont quitté le pays. Les départs ont été nombreux jusque dans les années 30.
Les Juifs s’exilent en France, ou en Belgique, à cause de la langue qu’ils parlaient presque tous, apprise dans les écoles de l’Alliance israélite universelle. Certains partent en Amérique du Sud, aussi pour aussi pour la langue et la proximité des traditions hispaniques. Le judéo-espagnol est très proche de l’espagnol parlé en Amérique.
Photo de Vida prise à l’occasion du mariage d’un de ses fils à Paris, en 1939
D’après sa famille, Vida est arrêtée chez elle par la Gestapo le 26 juillet 1944, trahie par son accent étranger. Mais les documents officiels diffèrent et elle aurait été arrêtée au domicile de sa fille Renée-Allègre Habif au 224 rue Noisy-le-Sec à Bagnolet.
Elle est conduite le jour même le 26 juillet 1944 au camp de Drancy5. Dans le centre d’internement, Vida retrouve des membres de sa famille et des connaissances. Elle est déportée le 31 juillet 1944 dans le dernier convoi : le convoi 776.
Le convoi est arrivé à Auschwitz7 dans la nuit du 3 août 1944 où la sélection est instantanément pratiquée.
Vida n’est pas rentrée dans le camp, elle a été gazée dès son arrivée dans le centre de mise à mort d’Auschwitz, à l’âge de 58 ans.
5 Drancy sert de camp d’internement et de regroupement des juifs de France avant d’être envoyés dans les camps de concentration et les centres de mise à mort. Près de 63 000 d’entre eux seront déportés depuis Drancy.
6 Convoi 77 est le dernier grand convoi (1306 déportés) ayant quitté Drancy pour Auschwitz le 31 juillet 1944.
7Auschwitz-Birkenau est un grand camp de concentration et de centre de mise à mort en Pologne. Plus de 1,1 million de Juifs, seront assassinés à Auschwitz-Birkenau
A la fin de la guerre des démarches sont entreprises pour obtenir un certificat de non rentrée. La démarche est réalisée par sa fille Renée-Allègre Habif 8 le 31/02/1947.
Documents fournis par le projet Convoi 77
Elle est reconnue par l’état civil étant décédée en déportation le 5 août 1944 à Auschwitz.
On retrouve son nom sur le mur des noms du Mémorial de la Shoah.
Photo de la colonne de 1944 du Mur des Noms du mémorial de la Shoah de Paris
On retrouve aussi des membres de la famille de Vida morts en déportation.
D’abord son fils Sadia, né le 18 avril 1913 à Aydin par le convoi 76, le 30 juin 1944. Il est arrêté avec son épouse Hélène et son jeune fils Michel à l’île-sur-Têt dans les Pyrénées Orientales. Toute la famille est gazée dès leur arrivée. Sadia à l’âge de 31 ans et son fils Michel à l’âge de 7 ans.
Ensuite, Maurice Benyacar, son fils né le 19 janvier 1920 à Aydin est également déporté le 30 juin 1944 de Drancy avec le 76ème convoi. Il survit à la déportation et sera un témoin très actif dans les écoles pour raconter l’indicible.
Sylvain, son jeune fils, né le 15/02/1944 sera également déporté par le convoi 76 et assassiné à Auschwitz dès son arrivée.
Lisette Benyacar, née Zaslavsky en 1920, connaîtra le même sort que son fils et sera assassinée à Auschwitz avec le 76eme convoi.
[1] Nom donné au quartier où habitait la famille à Aydin. Source privée Il s’agit de la Mare aux tortues de Maurice Deunailles.
Je viens informé ceux qui portent le nom Benyacar que ma tante née victorine Nalbona .Est décédée hier 10 Décembre 2021 à Annecy .Je suis Marco Lancelle né de sa sœur Marie Eugénie Nalbona. 0609616969