Marcel KRAJZELMAN
Deux classes, la Seconde D, composée d’élèves germanistes, et la Première Spécialité Histoire-Géographie-Géopolitique-Sciences politiques HGGSP du Lycée Marcel Pagnol de Marseille ont été complémentaires dans ce projet permettant de répondre à la problématique suivante: Qu’est ce qu’être une femme ou un enfant dans le processus d’extermination en Europe?
Pour cela, ils ont mené l’enquête à partir des archives de 6 déportés: 3 femmes Margarete ALT, Anna TUGENDHAT, Henriette COVO, 2 enfants Marcelle KORSSIA, Suzanne KOSLEWICZ et un adolescent, Marcel KRAJZELMAN. Chacune des classes a apporté ses compétences: la classe de Seconde composée de germanistes a permis de traduire les archives, de contextualiser et de réaliser une partie des enquêtes historiques, la classe de Première HGGSP ont été leurs tuteurs sur les enquêtes, ont développé un esprit critique sur les sources et ont développé les silences de l’Histoire de chaque déporté.
Ils ont formé des groupes en fonction des enquêtes à réaliser puis ont mutualisé leurs travaux. Aussi toutes les notices présentées sont complémentaires et s’organisent selon un plan similaire, ainsi pour Marcel KRAJZELMAN:
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Enquête: Qui est Marcel KRAJZELMAN ?
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Les silences de l’histoire de Marcel.
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L’exposition au CDI: mutualisation et présentation des travaux élèves sur l’ensemble des 6 enquêtes, sorties scolaires, témoignages, visios, les sources contre le silence de l’Histoire.
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Les témoignages élèves: Pourquoi est il important de travailler sur l’histoire des femmes ? des enfants et adolescents? En quoi votre travail permet il de lutter contre les préjugés?
I) Enquête : Qui est Marcel KRAJZELMAN ?
1) Au commencement combien aviez vous d’archives de l’association sur Marcel ? Qu’avez vous appris sur votre déportée avec ses archives ? Quelles sont les hypothèses que vous aviez émises ?
Nous avons 7 archives dans le dossier des anciens combattants et victimes de guerre mis à notre disposition par l’association www.convoi77.org, nous savons que le déporté Marcel KRAJZELMAN est juif et polonais.
Il est née le 21 avril 1929 à Varsovie en Pologne, il est mort le 5 aout 1944 à Auschwitz de déportation dans le convoi 77 le 31 juillet 1944. Son dernier domicile connu était le centre UGIF 70 avenue Secrétan à Paris dans le XIXème arrondissement. Il a été détenu sous le régime „JUDEN”.
Nos hypothèses sont :
- Cette photo est-elle liée au centre ?
- Est ce une photo de famille de Marcel ? On pense que c’est le petit garçon.
- Y’a t-il des survivants ?
- Existe t il des archives récentes ?
2) Qu’avez appris en contactant les centres d’archives et/ou personnes ?
Nous avons appris de nouvelles informations des centres d’archives en ligne et au contact des archivistes .
Grâce aux archives du mémorial de la Shoah, nous avons appris que Marcel a habité à Paris à la rue Bastroi1 et nous savons qu’il est au premier rang à droite2. Sur la liste de départ du camp de Drancy vers Auschwitz où est noté Marcel, il y a la présence du prénom et du nom de deux autres individus sur lesquels qui nous travaillons, Suzanne KOSLEWICZ et Marcelle KORSSIA. Pourquoi ?
Marcel KRAJZELMAN a été incarcéré à une date non indiquée au camp de Drancy par le « Befehlshaber der Sicherheitspolizei » de France, catégorie de détenu sous le régime nazi : « Jude », été déporté au camp de concentration d’Auschwitz le 31 juillet 1944.
Son père, s’appelle Slama David Krajzelman née le 10 mai 1899 à Siedlec il a vécu en France à Paris 17 rue Basfroi et il a été déporté dans le convoi n°1 partie le 27 mars 1942 de Drancy vers Auschwitz arrêté lors de la rafle du billet vert. Il est mort dans ce camp. Sa mère s’appelle Henda, on l’appelle aussi Ida, son nom de jeune fille est Machina elle est née le 27 février 1902 à Varsovie. Elle et son mari sont polonais. Elle a été déportée dans le convoie 26 parti le 31 août 1942 dans lequel elle y laisse sa vie.
Son frère ainé, Joseph KRAJZELMAN, est né le 26 janvier 1924 et s’est fait interné une première fois à Drancy en 1941 puis remis en liberté car il était malade pour cause d’oedème ou de cachexie6 Puis il est arrêté une nouvelle fois en 1942 et son prénom et nom sont présents sur la liste du 04/09/1942 d’internés du camp de Rivesaltes et d’internés partis pour la zone occupée le 29/07/1942, Les internés sont présentés par noms, prénoms et département. Pour les femmes et enfants internés, le wagon de destination est attribué et notifié. Quelques personnes ont été libérées. Les internés viennent des départements suivants : Cher, Haute-Vienne, Indre, Dordogne, Corrèze, Creuse. Le nom de Joseph KRAJZELMAN apparaît. Le 16 septembre 1942, il a été déporté ensuite dans le convoi n°33.
Marie Krajzelman, est la sœur de Marcel. Elle est née le 15 août 1935 à Paris et elle est pensionnaire du centre de Saint Mandé à 5 rue grand ville, après la déportation de ses parents comme Marcel. Elle et son frère sont raflés le 22 juillet 1944 sur décision d’Aloïs Brunner.
La rafle de l’avenue Secrétan prend place dans la nuit du 21 au 22 juillet 1944 au 70 de l’avenue Secrétan dans le arrondissement de Paris, en France, dans un centre de l’Union générale des israélites de France (UGIF). Les victimes seront déportées par le Convoi 77, en date du 31 juillet 1944, le dernier grand convoi au départ de la gare de Bobigny, de Drancy vers Auschwitz. L’École Lucien-de-Hirschest la plus ancienne école juive de France : elle a été fondée à Paris en 1901. Le 20 avril 1944, le centre Lamarck ayant été bombardé, le bâtiment devient un centre d’accueil de l’Union générale des israélites de France (UGIF) pour les enfants orphelins; les jeunes pensionnaires du centre ainsi que leurs moniteurs (125 enfants et 52 adultes) sont ainsi transférés à l’école Lucien-de-Hirsch9.
Plus généralement, la rafle du 22 juillet 1944 concerne six centres UGIF situés à Paris et en région parisienne : Secrétan, Vauquelin, École du travail, Saint-Mandé, Louveciennes. Le lendemain, une seconde rafle est opérée dans les deux maisons de La Varenne-Saint-Hilaire. Le mardi 25 juillet, c’est la pouponnière de Neuilly qui à son tour est victime de la mesure. La rafle de l’avenue Secrétan se déroule le 22 juillet 1944 avant le lever du jour.
Une plaque commémorative en granit est apposée le 28 mars 1954 sur la façade du bâtiment Lucien-de-Hirsch, intitulée « Souviens-toi », qui donne la liste des enfants et adultes déportés de l’école.
Selon la chronologie des déportations figurant dans le Livre commémoratif des archives fédérales à Berlin, 1 300 personnes ont été déportées au camp de concentration d’Auschwitz le 31 juillet 1944. Le convoi y est arrivé le 3 aout 194410. Marcel et sa soeur sont morts en déportation11.
D’après les archives nationales, nous avons reçu des informations à propos d’une certaine Suzanne KRAJZELMAN potentiel membre de la famille de Marcel KRAJZELMAN qui aurait vécu dans l’Hérault après la Seconde Guerre mondiale12. Après appel de Mme Elisabeth PERRIER des archives départementales de l’Hérault, un document fait référence à Suzanne13 : elle est née le 15 mai 1926 à Varsovie en Pologne, déportée en avril 1942 à Drancy, elle était couturière, il faut savoir qu’elle est née sous le nom de KRAJZELMAN puis a pris le nom CROS. Elle a habité en 1946 au 16 argenterie à Montpellier. Sur un autre document c’est l’inverse, elle serait née CROS puis aurait pris le nom de KRAJZELMAN14.
Deux nouvelles archives publiées concernant Suzanne Krajzelman :
Suzanne Lyza KRAJZELMAN est née le 15 mai 1926 à Varsovie est la seule survivante de tout les membres de sa famille, elle est morte le 13 septembre 2000 dans le Sud de la France15. Elle est nommée sous plusieurs noms dans les archives comme : Zira, Zyra, Lysa, Zyza. Quand elle a été internée à Drancy en 1942, elle avait 18 ans, a-t-elle réussi à s’enfuir ?
Son cousin confie à un journaliste dans un article lié à la mémoire des enfants du centre de l’UGIF16, que Suzanne avoue avoir reçu une lettre de sa sœur Marie et de son frère Marcel envoyée de Drancy dans laquelle ils expliquent qu’ils vont bien et qu’ils vont être déportés. Ils avaient aussi tous beaucoup d’espoir et de courage.
La mémoire de Marcel est présente dans une exposition du Camp des Milles d’Aix en Provence que nous avons vue pendant notre sortie le 1 mars 2022.
3) Y a t eu des temps morts lors des recherches ? Pourquoi ? Pensiez vous réaliser une biographie aussi complète au commencement de vos recherches ?
Oui il y a eu des temps morts pendant la recherche officielle car elles ont repris en 2011. Pour nous, oui, il y a eu des périodes de temps morts car il nous a manqué des informations.
Non, on ne pensait pas faire une biographie aussi complète et détaillé de ce déporté.
4) En quoi votre travail participe à la mémoire de Marcel ?
Ce travail participe à la mémoire de notre déporté car on ne l’oublie pas, on effectue un travail de mémoire, on parle de son histoire.
II) Les silences de l’histoire de Marcel:
1) Qu’est ce que « les silences » en Histoire ? Et les silences de l’histoire de Marcel ?
„Les silences” en histoire dans ce contexte là, sont l’absence de la volonté de témoigner ou la contrainte de ne rien dire à cause de la peur de se faire juger ou alors car ils ne savaient pas ce qu’il leur est réellement arrivé. Marcel n’avait que 15 ans donc nous n’avons pas assez de traces de sa vie.
Les silences de l’histoire sont des obstacles pour notre travail de mémoire car par exemple des noms de famille différents apparaissent dans les sources KRAJZELMANN, KRYZELMAN ou encore KRASZELMAN.
2) Qu’est-ce qu’être un enfant ? Un adolescent ?
De la naissance à 14 ans, un individu sera considéré comme un enfant et de 14 à 17 ans il sera considéré comme un adolescent. Il y a eu 11000 enfants français de moins de 16 ans déportés car ils étaient juifs de mars 1942 à août 1944. Marcel KRAJELZMAN est donc considéré comme un adolescent.
3) Quelles sont les formes de violences spécifiques à Marcel ? Aux enfants et adolescents ?
Marcel a été séparé de ses parents et de certains de ses frères et sœurs. Il a peut être eu peur quand il a été à dans le centre Sécretan de l’UGIF et quand il a été déporté avec sa sœur dans le convoi 77. Marcel est mort en déportation et peut être de faim ou de froid.
Les formes de violences infligées aux enfants et aux adolescents, sont la plus part du temps des violences au niveau médical. Ils servent de cobaye pour des expériences, comme la stérilisation chez les jeunes femmes. De plus, des nouveaux nés étaient noyés.
Les conséquences psychologiques sont les plus souvent des traumatismes à cause des conditions de vie tragique avec un manque d’hygiène, exposé au froid, et un manque de sommeil. Les conséquences physiques sont le plus souvent les maladies comme la tuberculose.
4) Les rôles des enfants et adolescents dans ou contre le processus d’extermination sont :
Les enfants ont aucune aide particulière mais certains adultes s’occupent d’eux. Néanmoins en automne 1943 le block des jeunes est créé, c’est le block numéro 5 et certains travaillent 30 minutes de moins par jours. Ils portent un brassard „Lehrling ” qui veut dire apprenti.
5) En quoi votre travail participe à faire vivre la mémoire de la déportation ? De Marcel ?
Notre travail participe à faire vivre la mémoire de la déportation ainsi que de notre déporté car nous étudions des archives et faisons des recherches pour ne pas oublier ces violences ni ce qu’il s’est passé.
6) Donner des adjectifs qualifiants la vie de Marcel ?
COURTE, COURAGEUX, VIOLENCES, TRAUMATISANTE.
Sources : 17
III) L’exposition au CDI: mutualisation et présentation des travaux élèves sur l’ensemble des 6 enquêtes, sorties scolaires, témoignages, visios, les sources contre le silence de l’Histoire.
IV) Les témoignages élèves
BRAVO à Emma, Katell, Ilies, Tidjane et Milhane sous la direction de leurs professeures Mme BOUILLON Laetitia professeure d’Allemand et Mme BOUTANT Morgane professeure d’Histoire-Géographie.
1https://ressources.memorialdelashoah.org/notice.php?q=marcel%20krajzelman&spec_expand=1&start=0 et Serge Klarsfeld, Le mémorial des enfants juifs déportés de France, FFDJF, 1994.
6https://ressources.memorialdelashoah.org/notice.php?qt=dismax&q=marcel%20krajzelman&start=1&rows=1&fq=diffusion%3A%28%5B4%20TO%204%5D%29&from=resultat&sort_define=&sort_order=&rows= Liste nominative du 02/11/1941 des internés juifs libérés du camp de Drancy le 04/11/1941, le 05/11/1941 et le 06/11/1941.
9 https://fr.wikipedia.org/wiki/Rafle_de_l%27avenue_Secr%C3%A9tan et Serge Klarsfeld, Le mémorial des enfants juifs déportés de France, FFDJF, 1994.
10Informations obtenues en réponse à un mail envoyé par les élèves aux archives Arolsen le 3 décembre 2021 d’après Sigrid HEBE.
11Acte de décès de Marcel KRAJZELMANN, datant du 7 avril 2015, cote 21 P 482 371, archives du ministères des anciens combattants et des victimes de guerre, obtenues grâce à l’association « Convoi 77 ».
12Informations obtenues en réponse à un mail envoyé par les élèves à FranceArchives le 22 novembre 2021 d’après l’équipe Francearchives.
13Carte 14575 datant 14 septembre 1946, cote ADH 168J17 , Informations obtenues en réponse à un mail envoyé par les élèves le 10 janvier 2022 aux archives de l’Hérault et d’après un appel téléphonique le 11 janvier 2022 avec Elisabeth PERRIER des Archives de l’Hérault.
14Lettre envoyée par la mairie de Montpellier à Suzanne, datant du 4 octobre 1946, cote ADH 168J17 ,Informations obtenues en réponse à un mail envoyé par les élèves le 10 janvier 2022 aux archives de l’Hérault et d’après un échange téléphonique le 11 janvier 2022 avec Elisabeth PERRIER des Archives de l’Hérault.
16 https://lesdeportesdesarthe.wordpress.com/krajzelman-marie/
17 sources des silences de l’Histoire:
-Michelle PERROT, Les femmes ou les silences de l’Histoire, Flammarion, Paris, 2020. Quatrième de couverture.
-Association MNEMONSYNE, Coordination Geneviève DERMENJIAN, Irène JAMI, Annie ROUQUIER, Françoise THEBAUD, La place des femmes dans l’histoire, une histoire mixte, Belin, Paris, 2010. Chapitre : Femmes et hommes dans les guerres, les démocraties et les totalitarismes (1914-1945).
-Mémoire vivante, Dossier pédagogique du CNRD 2008-2009, Les enfants et les adolescents dans le système concentrationnaire nazi, Bulletin de la Fondation pour la mémoire de la déportation, numéro 57, Paris, septembre 2008.
Bravo à ces élèves d’avoir mis autant de soin et de patience pour retracer ce parcours. Ce travail de mémoire vient combattre l’entreprise d’extermination des nazis. Merci à eux de participer à la lutte contre l’oubli.