Sophie BLUM, née LAZARUS
Biographie établie par une classe allemande avec son professeur (voir ci-dessous).
Il est difficile de reconstituer la vie de Sophie Blum, née Lazarus, de savoir qui elle était. D’après ce que nous avons pu découvrir jusqu’à présent, elle est née à Stuttgart le 15 Juillet 1867.
Son père, Adolf Lazarus, était né à Remseck am Neckar (Hochberg) au nord de Stuttgart en 1836. Il était fabricant de meubles à Francfort-sur-le-Main, et il épousa Johanna Astruc, la mère de Sophie, en 1865.
Sophie avait quatre frères et sœurs : une sœur aînée appelé Friederike, deux jeunes frères Siegfried et Franz, et une petite sœur appelée Kornelie Sophie, de 12 ans plus jeune qu’elle. En 1885, le frère de Sophie, Siegfried, émigra aux États-Unis à l’âge de 17 ans. Il disparut, et fut déclaré mort en 1921.
Selon le Livre du souvenir des Archives fédérales allemandes (qu’on peut consulter à Yad Vashem), Sophie était peintre. Mais nous n’avons pas encore trouvé où Sophie et sa famille vivaient à Stuttgart. Nous ne savons pas quand elle s’est mariée et est devenue Sophie Blum ni si le couple avait des enfants. Nous ne savons pas quand et dans quelles circonstances Sophie a quitté l’Allemagne pour la France, ni si elle est partie seule ou avec son mari. Nous ne disposons d’aucune photo de Sophie.
Aucun membre de la famille Lazarus n’a demandé une indemnité à l’État allemand au titre de victime des persécutions nazies après 1949. Dans les archives de Bade-Wurtemberg, il semble n’y avoir aucune trace de Sophie ; nous n’avons rien en dehors du Registre des familles dans les archives de la ville.
Mais nous continuons à chercher. La principale trouvaille a été faite en France, au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, où un livre, écrit en Yiddish, comprend un chapitre qui lui est dédié, avec des extraits de lettres qu’elle avait écrites à une amie. Il figure dans ce document, annexé ci-dessous.
Stuttgart, 4 août 2016
Ulrike Bär.
SOPHIE BLUM-LAZARUS (1867-1944) Extrait reproduit d’un livre en Yiddish« Undzere Farpainikte kinstler » (ouvrage en yiddish)H. Fenster, Nos Artistes martyrs Paris , 1951, extrait traduit par Tina Urman, reproduit avec son aimable autorisation. Ida Richter, étudiante à l’IEP Paris, a traduit ce document en allemand. Il sera communiqué au lycée qui a travaillé sur cette biographie.
Une vieille artiste juive, qui avait pour habitude de « représenter » des paysages de France à l’aide d’une aiguille et de fils de soie de couleur, s’était retirée dans une pension de famille « les Maguelons » située à Passy, un quartier de Paris.
Elle s’appelait Sophie Blum-Lazarus et était née le 16 juillet 1867 à Stuttgart en Allemagne, dans une grande et riche famille juive qui, par la suite, s’établit à Francfort sur le Main, ville où résidait une nombreuse communauté juive.
Sophie Blum-Lazarus avait étudié la peinture à l’académie des Beaux-Arts de Frankfort.
[S Blum-Lazarus. Autoportrait.]
Plus tard, elle partit à Munich et entra à l’académie des Beaux-Arts de cette ville. Pendant qu’elle était à Munich, elle réalisa des copies d’œuvres de grands maîtres classiques. Par la suite, l’artiste, qui avait troqué la peinture à l’huile pour des fils en soie, quitta vers 1900 l’Allemagne qu’elle continua à considérer comme sa patrie, incarnée par Goethe, Schiller ou Beethoven.
Elle écrivit un jour à sa jeune amie parisienne, Madame Simone Selz : « ce qui est à l’œuvre, c’est l’Allemagne prussienne, mais ce n’est pas l’Allemagne instruite et cultivée ».
La fille juive de la communauté de Francfort qui était cultivée et délicate, ne pouvait accepter, en général, l’idée que l’Allemagne fut inhumaine, qu’elle ne fut plus perçue et ressentie comme bienveillante.
Dans le pays où elle était née, elle épousa un Juif, Daniel Blum, qui était un industriel et elle partit avec lui habiter Paris, où elle fréquenta les cercles littéraires et artistiques très réputés.
Les époux ne faisaient qu’un, deux âmes réunies ne pouvant vivre l’une sans l’autre. Quand son mari aimé mourut en 1937, elle quitta le confortable hôtel Lutécia et se retira dans une modeste pension, « les Maguelons ».
[Paysage – Broderie en soie. S Blum-Lazarus]
La journée, elle se livrait à son travail artistique et, la nuit, elle restait dans sa chambre de la petite pension et… écrivait des lettres à son cher époux disparu, lui racontait ses souffrances, son chagrin, ses aspirations et de ses yeux coulaient sans arrêt de chaudes larmes. Le jour, elle se rendait sur sa tombe dans le cimetière Montparnasse.
Elle était membre du Salon des Indépendants et y exposait ses travaux artistiques, elle le fit une dernière fois en 1937. Elle était éprise des immensités colorées et ensoleillées du sud de la France et de l’Italie, où elle avait l’habitude de se rendre.
Dans une de ses lettres, écrite en route pour l’Italie, adressé à Madame Selz, l’artiste déplore le destin tragique de son peuple persécuté qui est éparpillé aux quatre coins du monde, et dont la vie est escortée par la haine.
Pendant la deuxième guerre mondiale, Sophie Blum-Lazarus, qui était devenue citoyenne française, refusa de quitter Paris, même quand les troupes du Troisième Reich furent aux portes de la ville. Elle ne voulait pas s’éloigner de la ville qui abritait la tombe de son mari. Elle désirait reposer à ses côtés, être unie à lui dans la mort comme ils l’avaient été dans la vie.
Le 8 juillet 1944, à deux heures du matin (de la nuit en yiddish), les habitants de la tranquille petite pension, où l’artiste s’était retirée, furent réveillés en sursaut par des coups de sonnette et des heurts de plus en plus forts à la porte de la maison. On alla ouvrir.
Police allemande ! fit une voix allemande. La Gestapo, représentant le Troisième Reich, venait chercher sa victime : la vieille artiste juive, Sophie Blum-Lazarus, qui croyait tant en l’Allemagne de Goethe et de Schiller.
Les hommes entrèrent dans sa chambre et dirent : Prenez immédiatement vos affaires. Elle prit ses tableaux colorés au fil de soie et des dessins et les mit dans une sacoche, elle ne voulait pas s’en séparer. Quand un homme de la Gestapo lui demanda : Pourquoi, à quoi cela sert-il ? La vieille dame répondit : c’est ma vie, c’est mon sang.
On la conduisit par une nuit sombre à Drancy et, de cet endroit, elle fut déportée le 31 juillet 1944, trois semaines après son arrestation, elle avait alors 77 ans.
EXTRAIT DE LETTRES DE SOPHIE BLUM-LAZARUS A SON AMIE MADAME SIMONE SELZ
Francfort, le 1er juin 1938
Je suis très triste de ce qui vous est arrivé. Toutes mes pensées vont vers vous à l’évocation de votre pauvre frère. Je ressens votre chagrin. La mort, la mort. Quelle affreuse compagne pour ceux qui restent en vie. L’un trouve un peu l’oubli dans son travail, l’autre dans son jardin et un autre encore, comme moi par exemple, dans « mes tapisseries ». Si l’on peut dire que cela veut dire « vivre » ou « avoir vécu ».
(Cette lettre a été écrite après la mort du frère de Madame Selz).
Paris, hôtel Lutécia.
Vous m’aviez recommandé de lire le « Crapouillot » au sujet des Allemands. J’ai regardé les caricatures obscènes et cela m’a suffi. Il est regrettable que la presse, la littérature se vautrent dans tant de haine et empoisonnent l’opinion publique. Je suis Française depuis 25 ans, j’aime beaucoup la France, son peuple au goût raffiné, sa terre. Cependant je vous dis que toute l’Allemagne n’est pas ainsi.
Cette obscénité répugnante est un mauvais côté parisien. Non, ce n’est pas la bonne Allemagne érudite et cultivée. Vous m’avez écrit dans votre dernière lettre que vous aviez voulu lire Goethe et que finalement, vous y aviez renoncé. C’est sûrement mieux ainsi, on ne devrait lire les œuvres des génies que dans leur langue originale. Une fois traduites, elles perdent beaucoup.
Il en est de même pour le Tanakh (la bible) avec les psaumes du Roi David. Il y a dans la langue allemande de minuscules joyaux ciselés. Avec Faust et Werther, Goethe a su créer des chefs-d’œuvre rien que pour une modeste fleur.
Etant donné que le génie est toujours universel, nous ne devons pas avoir d’arrière-pensées limitées.
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Dimanche, nous étions chez Blaise Cendrars. Il habite une petite maison rustique dans une belle et charmante région. Une maison, pleine de roses, qu’il a achetée pour 500 francs, blanchie à la chaux, où il y a une table blanche, avec des livres, une machine à écrire, deux petites fenêtres avec des rideaux blancs et des jacinthes partout.
C’était très charmant et l’homme est sympathique et beau lui aussi, plein de réparties amusantes.
Sur le chemin du retour, une pleine lune déversait sa lumière sur toute la région.
Un jeune écrivain m’a donné deux livres qu’il a écrits en Espagne. A côté des reproductions qui se trouvent dans les livres, il a tracé deux petits schémas. Ces livres sont assez intéressants, comme « Paupières », « Tolède » mais « Paupières » a trop de littérature.
Aujourd’hui, nous avons enterré Brianen. C’est beau de vivre comme lui, il a travaillé jusqu’au jour de sa mort, c’était vraiment quelqu’un.
Je me réjouis d’être bientôt à Milan, où je verrai ma petite famille et d’autres amis émigrés. Pauvre peuple, Israël ! La série de calamités est encore au-dessus de nous. Nous sommes disséminés, nous sommes dispersés à travers le monde et on nous hait !
Sur suggestion du docteur Marianne Le Morvan, chercheuse, voici quelques précisions sur les expositions dans lesquelles Sophie Blum Lazarus a exposé ses œuvres :
– Salon des artistes indépendants de 1907, salle V.
– Salon d’Automne, salle X, études de poupées japonaises.
– Salon des artistes indépendants de 1912, salle XLIV.
– Exposition collective à la Galerie des Artistes modernes de la rue Caumartin en janvier 1927.
– Une exposition à la Galerie Zak en 1929.
– Une exposition à la Galerie B.Weill du 19 décembre 1932 au 15 janvier 1933.
– Galerie Dru, rue Montaigne, exposition collective en janvier 1933.
Convoi 77 remercie le docteur Le Morvan pour sa contribution.
Bonjour,
je suis en possession d’un tableau peint signé S. Blum qui me vient de ma tante décédée qui est née en 1922 et qui l’avait elle-même hérité de sa tante. N’ayant rien trouvé, sur internet, concernant ses œuvres, je me suis dit que peut-être avez vous connaissance des tableaux qu’elle a peints.
Merci de votre réponse,
Cordialement,
P. ROUSSEAU
Peut-être pouvez-vous mettre en contact avec Marianne Le Morvan
Chargée d’enseignement, Université Paris 2 Panthéon-assas, docteure en histoire de l’art et
qui semble avoir des renseignements sur Sophie Blum Lazarus?