Bernard GOLDSTEIN
Travail réalisé par les élèves de la classe de 3e4, Collège Michel-Richard-Delalande, Athis-Mons (Essonne). Année scolaire 2017-2018.
Ci-contre, la photographie de Bernard Goldstein publiée par Serge Klarsfeld dans le Mémorial des enfants juifs déportés de France. Additif n°7, FFDJF, 2006.
Note des enseignants
Parallèlement à la démarche historique à laquelle nous avons initié nos élèves, nous avons souhaité que leur imaginaire puisse s’exprimer librement, notamment à travers des dessins car comprendre c’est aussi s’imaginer. Les productions graphiques que vous trouverez ci-après correspondent à la libre interprétation des évènements par les élèves et cherchent aussi à illustrer l’absence, la destruction des traces.
Introduction
Bernard Goldstein avait treize ans lorsqu’il a été déporté de Drancy vers Auschwitz-Birkenau par le convoi 77 le 31 juillet 1944. Victime du génocide des Juifs et des Tsiganes d’Europe, son assassinat, comme celui de 6 millions d’hommes, de femmes et d’enfants, représente ce qu’a constitué la Shoah : une catastrophe.
Élèves de 3e au Collège Michel-Richard-Delalande d’Athis-Mons (Essonne), nous avons pris part au projet européen Convoi 77 avec pour objectif de redonner une identité à Bernard Goldstein en écrivant sa biographie. Notre projet intitulé « Biograph’élèves : sur les traces de Bernard Goldstein » est interdisciplinaire puisqu’il réunit l’Histoire-Géographie, le Français et les Arts Plastiques. Ce projet s’est déroulé sur l’ensemble de l’année scolaire 2017-2018.
Nous avons débuté le travail par une enquête historique et nous nous sommes répartis en quatre groupes. Chaque groupe a travaillé sur divers documents issus des archives du Mémorial de la Shoah et des Archives Nationales notamment. Notre travail s’est aussi appuyé sur des archives spécifiques à la famille Goldstein recueillies et rassemblées par Michelle Goldstein, une cousine de Bernard, sur son blog.
Au cours de cette enquête nous avons également recueilli plusieurs témoignages et notamment celui de Marianne Lévinas (Marie Goldstein), la sœur aînée de Bernard. Rescapée de la Shoah, seule de sa famille à ne pas avoir été arrêtée et déportée, elle vit actuellement aux États-Unis. Son exceptionnel témoignage a été recueilli par sa fille, Sonia Golin. Nous avons aussi écouté le témoignage de Daniel Urbejtel, survivant d’Auschwitz-Birkenau, arrêté en juillet 1944 à Paris et déporté par le convoi 77 alors qu’il n’avait que 13 ans, comme Bernard.
À la suite de cette enquête, nous avons procédé à plusieurs ateliers d’écriture afin de rédiger la biographie. En parallèle, nous avons également créé des poèmes sur la Shoah et nous avons imaginé une exposition artistique afin d’exprimer notre colère, notre tristesse, notre incompréhension et d’autres sentiments éprouvés lors de ce projet. Ainsi, en Arts Plastiques, nous avons réalisé des productions répondant à trois sujets : « Tant de haine que ma colère déborde », « Capsules temporelles » et « Mes vestiges s’effacent ».
Partie 1 : Avant la Shoah, l’exil de la famille Goldstein
En 1910, les grands-parents de Bernard Goldstein, Samuel Goldstein et Jochwet (aussi appelée Hélène) Leibovitz quittent la ville de Lódz, située à une centaine de kilomètres de Varsovie, et décident de fuir la Pologne, alors sous souveraineté russe.
Comme de nombreux Juifs, ils fuient les persécutions, les violences et les pogroms (des attaques et des pillages organisés contre les communautés juives) alors fréquents dans les pays d’Europe centrale et orientale. Commence alors le chemin de leur exil.
Mariés depuis 1906, Samuel et Jochwet, ainsi que leurs trois enfants Isaac, Wolf et Gita, se dirigent alors vers le nord-ouest, en direction de Copenhague (Document 1).
Au Danemark, la famille s’agrandit de cinq nouveaux enfants : Taubias, Kopel, Elieser, Léa et Tauba qui naissent à Copenhague entre 1914 et 1920.
L’exil se poursuit ensuite en direction du sud et les étapes s’effectuent toujours dans de grandes villes. La famille Goldstein arrive ainsi à Berlin, en Allemagne, où Jochwet donne naissance à une fille, Feiga (aussi nommée Viola), en 1922.
Berlin et l’Allemagne ne semblent constituer qu’une étape de leur exil puisque la famille, alors constituée de 11 personnes, rejoint la France, en février 1923. On peut supposer qu’ils perçoivent la France comme un pays refuge, le premier à avoir accordé l’égalité des droits aux Juifs lors de la Révolution française. Bien que l’antisémitisme n’y soit pas totalement absent, la France a aussi été marquée par la réhabilitation du capitaine Dreyfus en 1906.
À Paris, Samuel et Jochwet ont quatre autres enfants entre 1923 et 1929 : Anna, Georges, Joseph et Louise. Cette dernière décède en bas âge, atteinte de la coqueluche.
À son arrivée en France, la famille Goldstein ressemble à de nombreuses autres familles juives qui ont immigré depuis l’Europe de l’Est. L’intégration peut, au départ, sembler difficile pour une famille ayant parcouru plusieurs pays européens, parlant le yiddish et faisant partie de la classe populaire : Samuel est, par exemple, tailleur de vêtements. Néanmoins, Samuel et Jochwet constituent et déposent, en 1927, un dossier de demande de naturalisation auprès du Ministère de la Justice. On y apprend que la famille souhaite « se fixer définitivement en France » et qu’elle réside alors au 10 rue des Deux-Ponts à Paris. La demande de naturalisation obtient une réponse positive en juin 1928 : tous les membres de la famille ont donc désormais la nationalité française (Document 2).
En juillet 1928, Wolf, l’un des fils de Samuel et Jochwet, alors âgé de 20 ans, épouse, à Paris, Sonia Similiansky, née en Ukraine et alors âgée de 18 ans (Document 3). Ensemble ils donnent naissance à deux premiers enfants : Marie, née le 14 octobre 1929 et Bernard, né le 14 janvier 1931 (Document 4). Plus tard, le 26 décembre 1938, naît Daniel, leur petit frère.
Bernard et sa famille vivent alors au 11 rue de Nancy dans le 10e arrondissement de Paris. Son père Wolf occupe le même métier manuel que celui exercé par son grand-père Samuel : il est tailleur de vêtements. Sa mère Sonia, quant à elle, est femme au foyer.
Bien que les parents soient nés à l’étranger, ils ont à cœur de s’intégrer pleinement à la société française. Ainsi, Marie raconte que leur père tient à lire le journal tous les jours pour améliorer sa maîtrise de la langue française et pour enrichir son vocabulaire. Il emmène ses enfants à l’opéra et remplit son domicile d’objets d’art, de livres et d’instruments de musique.
Les parents de Bernard souhaitent également que leurs enfants aient la meilleure éducation possible et ce, dans tous les domaines. Ainsi, Bernard et sa sœur Marie lisent beaucoup. Marie raconte qu’ils se rendent même chez des bouquinistes des bords de Seine pour acheter les plus belles histoires, comme celles d’Alexandre Dumas, par exemple. Les enfants suivent également des cours de musique : Bernard prend des cours de violon et Marie des cours de chant.
À l’école, Marie raconte que Bernard est un enfant studieux qui aime les cours. Son point fort semble se trouver en mathématiques, dans les calculs.
Cette forte volonté d’intégration peut aussi s’expliquer par l’envie d’être considérés comme des Français à part entière et non plus seulement comme des Juifs immigrés dans les années 1930, marquées par le développement d’un antisémitisme violent dans plusieurs pays européens. Cela est notamment le cas en Allemagne, qui est marquée par la montée en puissance du parti nazi, puis par l’accession au pouvoir d’Adolf Hitler, le 30 janvier 1933.
Dans les grandes villes comme Paris, il existe une forte solidarité entre tous les Juifs immigrés. Il existe ainsi des lieux de partage et de rencontre : Bernard pratique la boxe dans un groupe de filles et de garçons, créé par la famille Rothschild, pour les réfugiés juifs de Pologne et de Russie.
La seule photographie de Bernard dont nous disposons nous confirme sa pratique de la boxe : on le voit, en short et débardeur, les bras relevés en posture de boxeur. Cette seule et unique archive photographique a été publiée par Serge Klarsfeld.
À travers cette photographie, Bernard nous apparaît comme un garçon sérieux et qui semble déterminé. L’image ne nous semble pas avoir été prise sur le vif mais plutôt faire l’objet d’une mise en scène.
Bernard Goldstein. Dessin réalisé par Emilie.
Partie 2 : Les Goldstein dans les années noires
Depuis juillet 1940, le Régime de Vichy, gouverné par Pétain, est en vigueur. Il met en place de nombreuses mesures antisémites qui font écho aux lois de Nuremberg : c’est le cas, en octobre 1940, avec l’application du « premier statut des Juifs ». Ce dernier leur interdit de nombreux métiers tels que des professions de diffusion, de justice, de gouvernement, d’enseignement. Par ce statut, est définie juive « toute personne issue de trois grands-parents de race juive ou de deux grands-parents de la même race, si son conjoint lui-même est juif ».
Le port de l’étoile jaune est mis en place en juillet 1942 et devient obligatoire pour tous les Juifs âgés de plus de 6 ans. Cette mesure stigmatise les Juifs et permet de les différencier publiquement. Elle est associée à de nombreuses interdictions de fréquentation de certains lieux publics comme les cinémas et les parcs pour enfants.
Une photographie prise en août 1942, dans la cour de l’école de la rue des Deux-Ponts à Paris, montre plusieurs élèves portant l’étoile jaune, cousue sur leur vêtement, au niveau de la poitrine. Sur cette photographie, une cousine de Bernard, Dora Bender, est assise au premier rang mais ne porte pas l’étoile jaune car elle n’a pas encore 6 ans. Marie Goldstein, quant à elle, se rebelle face à cette mesure discriminatoire et retire l’étoile jaune cousue sur ses vêtements pour se rendre au cinéma avec ses amis. Cela inquiète beaucoup sa mère Sonia.
Suite à cette mesure d’obligation du port de l’étoile jaune, différentes réactions transparaissent notamment chez les enfants. Dans Paroles d’étoiles, on apprend par exemple qu’Annette Muller a eu honte d’être juive. Un autre enfant, Simon, a bénéficié du soutien de ses camarades qui découpèrent dans du papier des étoiles jaunes qu’ils portèrent eux aussi.
Par ailleurs, la famille Goldstein, naturalisée française en 1928, fait l’objet d’une enquête de la Préfecture de Police de Paris dans le cadre d’un dossier établi le 3 décembre 194- (date illisible) concernant la révision de la naturalisation (Document 5). Sur ce document d’instruction du retrait possible de la nationalité française à Samuel Goldstein, père de Wolf, on peut lire ce qui lui est reproché : violence contre un agent de la force publique, en 1936. Cette violence aurait été motivée par le soutien que Samuel apportait à un voisin en cours d’arrestation. Sur ce même document, l’instructeur fait remarquer que le service militaire des enfants de Samuel plaide en sa faveur.
Le Régime de Vichy retire ainsi, entre 1940 et 1944, la nationalité française à environ 7000 Juifs. L’objectif de cette mesure est de retirer les Juifs de la communauté nationale. Cela n’est pas le cas de la famille Goldstein, la remarque mentionnée ci-dessus a joué : plusieurs de ses membres ont effectué leur service militaire et ont été engagés dans l’armée française en 1940.
Dans le même temps, des rafles sont organisées par les autorités françaises comme celle du Vel’ d’Hiv le 16 juillet 1942 au cours de laquelle environ 13 000 Juifs sont arrêtés. Cela crée une angoisse de plus en plus grande dans les familles juives car elles savent désormais que les femmes et les enfants sont eux aussi arrêtés.
Wolf, qui travaille en tant que tailleur dans un commissariat, est prévenu au moment des rafles ce qui lui permet d’y échapper avec sa famille. D’autres membres de la famille Goldstein sont raflés comme par exemple Elieser, un oncle de Bernard, qui est arrêté et déporté le 28 octobre 1943 vers Auschwitz-Birkenau à l’âge de 27 ans.
Partie 3 : Les arrestations et l’enfermement au camp de Drancy
Le 6 juin 1944, les Alliés effectuent la grande opération de débarquement en Normandie. Les soldats américains, britanniques et canadiens notamment, libèrent progressivement le territoire français en chassant les nazis. Mais cela ne signifie pas pour autant que la guerre est terminée et les menaces qui pèsent sur les Juifs sont encore très grandes.
Ainsi, le 1er juillet 1944, une rafle est organisée par la Gestapo dans le quartier du 10e arrondissement de Paris où Bernard vit avec ses parents, sa sœur et son frère. Ses parents et son petit frère Daniel sont arrêtés au domicile du 11 rue de Nancy et sont immédiatement conduits vers le camp d’internement de Drancy. Bernard et sa sœur ne sont pas présents au domicile familial au moment de la rafle. Bernard se trouve avec sa tante Tauba au centre de l’UGIF de l’avenue Secrétan conformément à la demande de ses parents. Tauba y est en effet employée. Marie, quant à elle, refuse de se rendre au centre et se réfugie chez des amis. Selon cette dernière, ils auraient été dénoncés par des voisins souhaitant s’approprier leur appartement.
Le 22 juillet 1944, l’officier SS Aloïs Brunner fait arrêter, par la police française, 71 enfants et 11 membres du personnel au centre de l’UGIF Secrétan, parmi lesquels Bernard, sa tante Tauba et ses cousins Jacques, Dora et Jean Bender.
Envoyé à Paris en mai 1943 pour intensifier la déportation des Juifs de France, Aloïs Brunner fait rafler, entre le 22 et le 24 juillet 1944, près de 300 enfants de 2 à 15 ans réfugiés dans les centres et les orphelinats de l’UGIF.
Marie échappe une nouvelle fois à la rafle puisqu’elle n’est pas présente sur les lieux. Elle décide toutefois de retourner au domicile familial où un voisin l’avertit de la présence de la Gestapo et lui indique qu’elle doit fuir. Elle se réfugie alors chez d’autres voisins jusqu’à la Libération de Paris.
Malgré nos recherches, nous n’avons pas réussi à établir ce qui s’est passé pour Bernard entre le 1er et le 22 juillet 1944. Nous émettons l’hypothèse selon laquelle il est alors resté avec Tauba au centre de l’UGIF Secrétan.
Bernard, Tauba et les 80 autres personnes arrêtées au centre de l’UGIF Secrétan sont emmenés dans des camions en direction du camp d’internement de Drancy.
Lorsqu’ils descendent des camions, les enfants et les employés de l’UGIF sont regroupés et sont dirigés vers la baraque de fouille située au centre du camp. Là, leurs objets personnels sont confisqués. Ils sont ensuite enregistrés et les gendarmes français dressent une fiche sur laquelle sont indiqués leur nom, leur prénom, leur date de naissance, leur nationalité, leur profession ainsi que le lieu et la date de leur arrestation. Un numéro de matricule leur est attribué : 25.378 est le numéro inscrit sur la fiche de Bernard (Document 6).
Sous les yeux de Bernard s’étend alors un camp d’internement en forme de fer à cheval, initialement destiné à devenir une cité d’habitations moderne devant permettre de loger 1250 personnes : la cité de la Muette. En chantier jusqu’en 1938, elle reste inachevée faute de moyens financiers. La structure du bâtiment est alors terminée mais les aménagements intérieurs et les installations sanitaires sont inexistants.
Dans le camp, les internés sont régulièrement déplacés. Les fiches d’internement de Wolf, Sonia, Daniel et Bernard nous permettent de retracer leurs déplacements à travers les numéros d’escaliers et de chambrées situés en haut à droite des fiches. Ainsi, nous savons que Sonia et son fils Daniel sont d’abord séparés de Wolf Goldstein à leur arrivée dans le camp le 3 juillet 1944. Lorsque Bernard est interné à Drancy le 22 juillet, il ne semble dans un premier temps pas être placé aux côtés de sa famille. Puis, avec ses parents et son petit frère, ils sont regroupés au niveau de l’escalier 8, chambrée 2, quelques jours avant leur déportation vers Auschwitz-Birkenau. Cela correspond au fonctionnement du camp de Drancy car les escaliers 1 à 8 sont ceux dans lesquels sont placés les internés déportables par le prochain convoi.
Partie 4 : Vers Auschwitz-Birkenau
Le 31 juillet 1944, Bernard, ses parents, son petit frère et sa tante sont dirigés vers la gare de Bobigny, située à proximité du camp de Drancy ; ils y sont conduits dans des bus. Remplaçant la gare du Bourget à partir de juillet 1943, c’est de la gare de Bobigny que partent les convois de déportation de Juifs vers l’Est.
Bernard et ses proches sont, comme les autres déportés, poussés et entassés dans des wagons à bestiaux dont les portes sont ensuite condamnées et les fenêtres obstruées (Document 7). Le 77e convoi s’apprête ainsi à partir vers le centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau. Il comporte plus de 1300 personnes, dont environ 300 enfants.
Parmi les déportés de ce convoi se trouve Daniel Urbejtel que nous avons rencontré, le 7 décembre 2017, au Mémorial de la Shoah à Paris. Il nous a livré un témoignage très important sur les conditions dans lesquelles s’est déroulée la déportation.
Le trajet dure trois jours et quatre nuits et se fait dans des conditions épouvantables. Les déportés manquent d’eau et de nourriture : un seul récipient d’eau et un autre rempli de pain pour 60 ou 70 personnes. En guise de toilettes, ils doivent utiliser un seau. Le convoi 77 est formé en plein été et la chaleur est insoutenable, les pleurs des bébés et le manque d’espace sont insupportables.
Ne connaissant pas leur destination, les enfants comme les adultes inventent et imaginent des lieux qu’ils appellent parfois Pitchipoï.
Le train s’arrête très fréquemment sans que les portes ne s’ouvrent et les arrêts peuvent durer des heures. Au bout de trois longs jours, le convoi s’arrête définitivement et les portes s’ouvrent enfin. Le train vient alors d’arriver à Auschwitz-Birkenau, un centre de mise à mort. Des hommes crient en allemand et ordonnent de descendre des wagons et de laisser les bagages dans le train.
Une fois sortis du convoi, Bernard et ses proches, comme tous les autres déportés, sont dirigés vers la rampe de sélection. Au bout de cette rampe se trouve un groupe d’officiers nazis qui procèdent à la sélection des déportés. Les officiers décident de placer les déportés considérés comme « aptes au travail » d’un côté et ceux considérés comme « inaptes au travail » de l’autre côté.
Wolf, son père, est sélectionné pour le travail et porte ensuite le numéro de matricule B-3774 tatoué sur l’avant-bras.
Mais, Bernard, sa mère Sonia, son petit frère Daniel, sa tante Tauba et ses cousins Jacques, Dora et Jean sont considérés comme inaptes au travail. Ils se retrouvent donc séparés de Wolf.
Avec les déportés qui ne sont pas sélectionnés pour le travail (enfants, personnes âgées, malades ou fragiles), ils sont ensuite entassés dans des camions puis sont dirigés vers d’étranges installations situées au fond du camp : ce sont les chambres à gaz et les crématoires.
Comme les autres déportés, Bernard et ses proches sont contraints de pénétrer dans des vestiaires où ils doivent se déshabiller puis entrent dans ce qui ressemble à des salles de douche collective. Une fois les portes fermées et condamnées, ils sont asphyxiés car de ces douches ne sort pas de l’eau mais un gaz mortel : le zyklon B.
Les corps sont ensuite déplacés puis brûlés dans des fours crématoires par des sonderkommandos qui sont eux-mêmes des déportés, Juifs pour la plupart. Les nazis souhaitent détruire toute trace de leur existence.
Elieser Goldstein, revenu vivant, a été musicien dans l’orchestre d’Auschwitz. À son retour, il a raconté avoir été contraint, une mitraillette dans le dos, de jouer du violon pour accompagner les déportés, dont les membres de sa famille au moment d’entrer dans la chambre à gaz.
Wolf, le père de Bernard, est lui aussi revenu vivant d’Auschwitz, après avoir été transféré au camp de Dachau et y avoir été libéré. Il rentre à Paris vers le mois d’août 1945 et y retrouve sa fille Marie. Cette dernière a auparavant demandé un certificat aux autorités françaises le 29 janvier 1945 afin de connaitre la situation de son père (Document 8).
L’arrivée à Auschwitz-Birkenau. Dessin réalisé par Nathan.
Conclusion
Ce projet nous a tous, élèves de la classe de 3e4, émus, et nous a apporté des connaissances précises sur la Shoah et plus particulièrement sur le parcours d’une famille juive : les Goldstein.
À travers le destin personnel et familial de Bernard Goldstein, nous avons mieux compris une période fondamentale de l’Histoire.
Grâce au travail de groupes, nos émotions et nos expériences ont pu être pleinement partagées et nous en ressortons tous grandis.
Nous ne pourrons jamais oublier notre rencontre avec Daniel Urbejtel dont le témoignage résonne encore en nous aujourd’hui. Son récit nous a permis de développer notre imaginaire et d’émettre des hypothèses sur ce qu’a été la vie de Bernard.
Daniel Urbejtel et Bernard Goldstein, tous les deux arrêtés au centre de l’UGIF de l’avenue Secrétan et déportés par le convoi 77 n’ont pas eu le même destin à l’arrivée à Auschwitz-Birkenau.
L’étude de ces destins croisés et la compréhension de l’ampleur du génocide des Juifs et des Tsiganes d’Europe a aussi renforcé chez nous l’envie de lutter contre toutes les formes de discrimination. Nous voulons désormais être les porteurs du message que nous a transmis Daniel Urbejtel :
« Apprenez à comprendre au lieu de chercher à haïr ».
Remerciements
Les professeurs et les élèves souhaitent remercier chaleureusement Marianne (Marie Goldstein) pour son témoignage inédit et sa fille, Sonia, pour son aide précieuse.
Des remerciements particuliers sont aussi adressés à Michelle Goldstein qui nous a communiqué de nombreuses et précieuses archives liées à l’histoire de sa famille.
Nous voulons témoigner à Daniel Urbejtel toute notre reconnaissance et notre sympathie et le remercier de nous avoir livré son témoignage au Mémorial de la Shoah.
Nous remercions aussi Georges Mayer et Serge Jacubert pour leur disponibilité et leur soutien. Un remerciement est aussi adressé à Maya et Claire, étudiantes à Sciences Po qui sont venues nous rencontrer au collège.
Nos remerciements s’adressent aussi au Ministère des Armées, au Département de l’Essonne, à la Fondation Seligmann, à la Fondation pour la Mémoire de la Shoah et à la Fondation SNCF qui ont soutenu financièrement notre projet. Nous remercions aussi le Mémorial de la Shoah pour l’accueil qui nous a été réservé à Paris et à Drancy. Enfin, nos remerciements vont aussi au personnel de la Maison d’Izieu pour la qualité des activités qui nous ont été proposées.
Liste des documents
Document 1 : Registre d’État civil de la famille Goldstein à son arrivée au Danemark en 1910.
Document 2 : Dossier de demande de naturalisation établi le 27 juin 1927 par Samuel et Jochwet Goldstein. Archives de la Préfecture de Police de Paris.
Document 3 : Faire-part de mariage de Wolf et Sonia disponible sur le blog de Michelle Goldstein.
Document 4 : Extrait d’acte de naissance de Bernard Goldstein établi à la mairie du 12e arrondissement de Paris. Archives de la Ville de Paris.
Document 5 : Dossier d’enquête de la Préfecture de Police, procédure de dénaturalisation. Archives Nationales.
Document 6 : Fiche de Bernard Goldstein dressée au camp de Drancy le 22 juillet 1944. Archives du Mémorial de la Shoah/Archives Nationales. Fichier de Drancy F9/5744.
Document 7 : Extrait de la liste des déportés du convoi n°77, Archives du Mémorial de la Shoah.
Document 8 : Verso de la fiche d’internement à Drancy de Wolf Goldstein, F9/5696, Archives du Mémorial de la Shoah/Archives Nationales.
Sources citées
ELMALEH Raphaël, Une histoire de l’éducation juive moderne en France, édition Biblieurope.
GUÉNO Jean-Pierre, Paroles d’étoiles. Mémoire d’enfants cachés (1939-1945), 2002.
KLARSFELD Serge, Mémorial de la déportation des Juifs de France, FFDJF, 2012.
KLARSFELD Serge, Mémorial des enfants juifs exterminés, additif n°7, p. 51, FFDJF, 2006.
MOSCOVICI Jean-Claude, Voyage à Pitchipoï, L’école des loisirs, 2009.
Bravo pour cet article très émouvant sur la déportation de la famille Goldstein qui est ma famille (je m’appelle Paulette Bontemps née Goldstein). Je suis la sœur de Michelle Goldstein. Bravo à tout ceux qui ont contribué à ce travail de mémoire. Il ne faut pas oublier.
Chère Madame,
l’association CONVOI 77 est très heureuse de votre message sur le travail accompli par l’équipe pédagogique et les élèves du collège Michel Richard Delalande d’Athis-Mons à proximité d’Orly.
Vous pouvez visiter l’exposition des œuvres remarquables réalisées par les élèves tout au long de ce projet à la médiathèque Simone de Beauvoir de cette ville, jusqu’au 8 juin prochain.
Cordialement.
Serge Jacubert
J’ai suivi l’évolution de ce projet collectif et l’ai trouvé très intéressant. On sent que le travail de mémoire a rassemblé les élèves avec intensité. Le livre qui en est sorti, et tous les travaux associés qu’on a pu voir à la médiathèque Simone de Beauvoir, sont passionnants et très émouvants.
Je suis très heureux que ma fille ait pu vivre cette expérience par ailleurs très remuante.
Merci aux élèves, et merci aux enseignants si investis dans cette aventure !
Bravo à tous les élèves de la 3éme 4 et aux enseignants porteurs de ce projet. Au fond quel plus fort témoignage que le votre, en nous faisant partager votre récit de ce destin, vous avez redonné la vie à Bernard, donné du sens à sa vie, redonné du sens à nos vies.
Par cet acte vous devenez des « alerteurs », vos poèmes, vos dessins, ce texte, manifestent magnifiquement cet engagement.
L’histoire des hommes et notre actualité nous montrent combien il est nécessaire de ne pas lâcher prise face à l’indifférence, la haine, l’égoïsme, les certitudes et l’avidité, qui font aussi notre monde.
Vous signez par ce manifeste que vous êtes devenus des étoiles multicolores de vigilance, de mémoire, de lutte, d’humanité.
Cher parent d’élève,
nous partageons votre bonheur et sommes également impressionnés par la qualité et la pertinence du projet multidisciplinaire mis en place et réalisé au sein du Collège Michel Richard Delalande.
Toute l’association CONVOI 77 remercie les élèves et leurs professeurs, monsieur Huguet au premier chef, mais aussi madame Piovesan et monsieur Mauzat.
Pour CONVOI 77, Serge Jacubert
C est un bien bel hommage rendu à ce jeune Bernard. Émouvant de par la monstruosité de l’ histoire vécue par un jeune, si jeune, et émouvant de savoir que vous, les auteurs de sa biographie, avez une telle proximité d âge avec lui. Tous mes compliments aux élèves et enseignants pour cet important travail, très bien construit et pour cette énergie mise au service de sa mémoire.
Se souvenir est notre devoir, vous nous le rappelez et avec quelle force!
Bravo à tous pour votre travail – il m’a renvoyé à ma propre scolarité au moment où, exactement au même âge que le vôtre, mes professeurs de collège nous avaient accompagné voir le film d’Alain RESNAIS „Nuit et brouillard”. Je me souviens du choc qu’avait alors été le mien. Il est toujours aussi vivace dans ma mémoire.
Nul doute que votre travail vous accompagne également durant longtemps. C’est un bien.
Travail remarquable et très bien structuré. Tous ces élèves sont désormais des porteurs de mémoire à travers cette biographie et les dessins qui font ressortir avec force et émotion le destin de cette famille.
Nous ne devons jamais oublier cette période si sombre de notre histoire qui nous concerne tous et qui a meurtri à jamais nos familles.
Wolf Goldstein, le père de Bernard et de Daniel, s’est remarié après guerre et a eu un fils.
Wolf est mort le 26 décembre 1969, à l’hôpital Bichat après une opération d’un cancer sans espoir de réussite. Il était revenu totalement affaibli et malade des camps et recevait une pension d’invalidité de 100%.
Wolf n’est pas arrêté à son domicile le 3 juillet, comme on a pu le croire, mais le 1er juillet 1944 par la Gestapo ou la police française, les témoignages écrits divergent. „Sur dénonciation pour propagande antiallemande et israélite”, selon son témoignage. Ainsi que sa femme Sonia et leur fils Daniel.
Bernard était dans la maison de l’UGIF rue Secrétan où travaillait sa tante Thérèse (Tauba) comme infirmière à la garderie. Ils ont été arrêtés ensemble, le 22 juillet.
Wolf est passé par la rue des Saussaies (?), le dépôt, puis Drancy. Après Auschwitz, il est envoyé à Dachau où il arrivé le 28 janvier 45). Il est libéré par les Armées Alliées (US) à Octztal, kommando de Dachau. Rapatrié le 17 mai 1945.
Laurence Klejman, spécialiste archives du Conseil d’Administration de Convoi 77
Chapeau bas, chers élèves de la 3e4,
Lire votre ouvrage collectif est une sacrée expérience. Rencontrer Bernard Goldstein. Ne pas oublier ce que produisent la haine, la bêtise, la peur. Vous imaginer à Athis, Paris ou Izieu en train de vous renseigner, de vous passionner, d’échanger… de grandir. Que d’émotion !
Techniquement, l’objet est super : texte clair et sobre, infos solides, présentation soignée, poèmes et dessins vibrants. Bravo à votre prof capitaine de vous avoir embarqués dans l’aventure !
Merci à vous tous de nous partager l’essentiel.
Si vous le permettez, j’aimerais donner ce livre à la bibliothèque afin que l’étoile que vous avez rallumée brille pour le plus de lecteurs-lectrices possible.
Emma,
Merci beaucoup pour votre commentaire ainsi que pour vos compliments que les élèves, j’en suis sûr, ont été heureux et fiers de lire. Chaque élève a déployé une énergie incroyable et une motivation exceptionnelle tout au long du projet. Toutes les productions qu’ils ont réalisées dépassent ainsi, et de loin, nos espoirs.
Nous acceptons évidemment que vous puissiez communiquer à une bibliothèque la biographie de Bernard Goldstein. Ainsi, si vous avez besoin que nous vous transmettions un exemplaire, n’hésitez pas à prendre contact avec nous.
Du côté de la médiathèque Simone de Beauvoir d’Athis-Mons, un exemplaire du travail réalisé par les élèves peut-être consulté sur place ou emprunté par les lecteurs et lectrices.
Encore merci pour l’intérêt que vous portez à ce travail.
Bien à vous,
Clément Huguet
[…] ont ainsi reçu, en 2019, le prix Ilan Halimi contre le racisme et l’antisémitisme pour leur biographie de Bernard Goldstein, soutenue par la Fondation Seligmann, et le collège accueille en ce moment même […]
[…] aura donc contribué à écrire. La biographie a également été publiée sur le site du projet Convoi 77.Retrouvez ci-dessous la biographie de Bernard Goldstein rédigée par les élèves de 3e4 […]