Fanny CREMIEUX, née MEYER
Martial, Mardochée Crémieux est le descendant d’une famille de « Juifs du Pape » établis dans le Comtat Venaissin, entre Avignon, Carpentras, Cavaillon et l’Isle sur la Sorgue. Il est né à Marseille en 1877. Le père de Martial se nomme Gabriel Crémieux. Sa mère Anaïs Millaud.
Au cours de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle ces Crémieux essaiment vers le Nord en développant une sorte de « chaîne » de magasins de tailleurs dont la devise était « Crémieux habille mieux » à Toulouse, à Saint-Nazaire ou à Tours.
Martial était petit, il ne devait guère dépasser les 1,55m. De la génération des « poilus », il a écrit, dans les tranchées peut-être, une chanson guerrière qui ne vaut pas tripette mais qui trahit merveilleusement les fantasmes de l’époque. Il menait avec son épouse, Fanny, née Meyer, une petite vie tranquille entre ses aiguilles et ses craies, au cinquante-quatre de la rue des Martyrs, près de la Place Pigalle. Sa hantise était constituée par les échéances trimestrielles et par les clients mauvais payeurs auxquels on faisait crédit pour ne pas tout perdre. C’était semble-t-il un titi parisien dont l’humour était apprécié lors des réunions de famille. Il donnait cinq francs à l’employé de mairie, quand il allait voter, pour ne pas s’entendre appeler « Martial, Mardochée ». Son premier prénom était pourtant déjà assez ridicule et mal assorti à son physique !
Il semble que Fanny avait une petite activité dans le commerce des bijoux d’occasion.
Martial et Fanny étaient petits et vivaient petitement dans leur petit appartement et leur quartier petit-bourgeois ; la perte d’un fils, à 14 ans, avait été leur drame. Ils payaient scrupuleusement leurs impôts et leur loyer, traversaient dans les passages pour piétons et respectaient la loi. Ils n’imaginèrent pas un instant de ne pas obéir à celle qui demandait aux Juifs de se déclarer. Ils eurent des cartes d’identité marquées en rouge et portèrent l’étoile ; ils firent leurs courses aux heures autorisées et on leur retira le téléphone. Il semble qu’un cousin les prévint en juillet 1944, alors que les troupes alliées étaient à quelques dizaines de kilomètres de Paris, qu’il y aurait une rafle le lendemain, ils n’osèrent pas aller à l’hôtel, même pour une nuit. C’était défendu !
Les archives d’Auschwitz sont sèches mais claires :
„Crémieux Fanny et Martial ont été tués dans la chambre à gaz dès leur arrivée au camp”.
Ils n’ont sûrement jamais compris…