SCHUHMANN CHARLOTTE

1931 - 1944 | Miejsce urodzenia: | Miejsce aresztowania: | Miejsce zamieszkania: , , , ,

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Charlotte SCHUHMANN (1931-1944)

 

 

 

Photographie de Charlotte Schuhmann vers 1940.

 

 

Biographie réalisée par la classe de Seconde 12

du Lycée Louis Vincent de Metz,

suivie de paroles d’élèves,

année scolaire 2019-2020

 

 

Notre classe

 

Nous sommes les 36 élèves de la classe de seconde 12 au Lycée Louis Vincent de Metz situé au 3 rue de Verdun. Depuis nos salles de cours, nous pouvons apercevoir un peu plus loin dans la rue, au numéro 10, l’immeuble où habitait Charlotte Schuhmann jusqu’en 1940. Cette partie de la rue s’appelle désormais rue Leclerc de Hauteclocque. Notre lycée fête ses cent ans en 2020. C’était autrefois un établissement professionnel, Charlotte ne l’a donc jamais fréquenté mais elle a dû souvent passer devant son imposante façade.

Aidés par nos professeurs, nous nous sommes beaucoup investis dans ce travail de recherche qui nous a permis de mieux connaître cette jeune fille morte à 13 ans : émouvantes rencontres avec M. Henry Schumann, cousin germain de Charlotte puis avec M. Robert Frank, ami d’enfance de Charlotte, lecture et interprétation des nombreux documents fournis par M. Henry Schumann et plusieurs services d’archives, recherche aux archives municipales de Metz, lecture d’extraits de Primo Levi lors de la commémoration du 75e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz et enfin rédaction de parties de la biographie que nous avons pu reconstituer peu à peu.

 

Trois grands témoins

Trois grands témoins ont joué un rôle essentiel dans ce travail.

 

* Le premier de ces témoins est M. Henry Schumann.

Né en 1947, il a passé toute son enfance à Metz entre autres au 12 rue de Verdun, dans l’immeuble voisin de celui où avait vécu Charlotte avant-guerre. Son père Pierre Schumann était le frère cadet de Levy Schuhmann, le père de Charlotte. Le nom de famille initial Schuhmann sera modifié en Schumann après la guerre (dans la biographie de Charlotte, l’orthographe initiale Schuhmann est conservée pour Charlotte et pour les membres de la famille n’ayant pas survécu à la guerre).

Il a eu la gentillesse de venir le 23 septembre 2019 nous raconter l’histoire de Charlotte et nous présenter les recherches qu’il a faites sur sa cousine. S’il avait entendu parler d’elle quand il était jeune, ce n’est qu’après le décès de ses parents, surtout après la mort de sa mère en 2001, qu’il s’est intéressé à son histoire. Il a en effet trouvé des lettres envoyées par Charlotte pendant la guerre et des photos d’elle, de son frère et de ses parents. Il a alors consacré beaucoup de temps à essayer de mieux connaître cette cousine qu’il n’avait jamais vue. Il se sent désormais très proche d’elle et la considère comme une grande sœur.

Suite à son émouvante intervention dans notre classe, il s’est replongé dans ses archives familiales et il a retrouvé d’autres documents qui nous ont fourni de nombreuses informations. Quelques semaines plus tard, nous avons eu la joie de partager son émotion de rencontrer M. Frank, ami d’enfance de Charlotte.

Photographie de M. Schumann

 

 

* Notre deuxième témoin est M. Robert Frank

 

Mr Frank au lycée le 22 novembre 2019 montrant les photographies de ses parents morts en déportation (photographie prise par M. Vincent Le Vergos)

 

Né le 11 novembre 1929 à Metz, il vit depuis la fin de la guerre à Paris. Il est venu nous raconter son histoire et celle de Charlotte le vendredi 22 novembre 2019. Avant de le rencontrer, nous supposions qu’il avait connu Charlotte mais nous ignorions que les deux familles étaient amies et se voyaient souvent. En effet, avant la guerre, la famille Frank vivait 29 rue Pasteur soit tout près de la rue de Verdun. À notre connaissance, il est la seule personne qui puisse nous donner des détails sur elle.

 

En 1940, les deux familles se sont réfugiées en Charente-Maritime (appelée alors Charente Inférieure), les Frank ont vécu quelque mois à Royan, les Schuhmann aux Boucholeurs. C’est d’ailleurs par la documentaliste du collège Dunant de Royan que nous avons pu entrer en contact avec M. Frank.

À l’automne 1940, avec huit autres familles juives de Metz, les Schuhmann et les Frank se sont retrouvés à Festalemps en Dordogne. Les deux familles ont été arrêtées lors de la rafle de la salle philharmonique d’Angoulême d’octobre 1942. M. Frank et Charlotte ont alors été séparés et ne se sont plus croisés que de façon épisodique. M. Frank est le dernier survivant de cette rafle.

 

* Notre dernier grand témoin est M. Richard Niderman

Originaire de Forbach, il est né après la guerre. Depuis plusieurs années, il fait des recherches sur son frère Joseph et sa sœur Charlotte, deux enfants séparés de leurs parents, ballotés pendant plus de deux ans avant d’être déportés. Curieusement, ils portaient les mêmes prénoms que les enfants Schuhmann. En retraçant leurs parcours, il est tombé plusieurs fois sur des documents où il était question de Charlotte Schuhmann. Son frère et sa sœur l’ont côtoyée de 1942 à 1944 entre Angoulême et les foyers de l’UGIF à Paris. Ami d’Henry Schumann, il a spécialement rédigé un dossier à notre intention. Il y a rassemblé tous les documents et informations qu’il a retrouvés sur Charlotte. Il nous a ainsi fait gagner un temps précieux. Depuis Israël où il vit, il a suivi l’avancement de notre travail. C’est grâce à la recherche que nous avons entreprise sur Charlotte qu’il a pu faire la connaissance de M. Frank.

 

Photographie de M. Niderman (à gauche) avec Mme et M. Frank prise à Paris lors de leur première rencontre en janvier 2020.

Grâce à ces trois témoignages majeurs, nous avons pu reconstituer la brève existence de Charlotte. Après une enfance paisible à Metz, sa vie a été complètement bouleversée par la Seconde Guerre mondiale.

 

Une enfance paisible à Metz de 1931 à 1939 :

* Une famille venue de Pologne

Née à l’hôpital Belle-Isle le 12 janvier 1931, Charlotte, bien que ses deux parents soient polonais, est déclarée de nationalité française le 6 février 1931. Une loi de 1927 permet en effet à des parents étrangers de faire reconnaître français un ou plusieurs de leurs enfants nés en France.

Son père Lévy Schuhmann, né en 1899, vit à Metz depuis 1920. Comme le père de M. Frank, il est « Haushirer », mot yiddish pour désigner un voyageur de commerce. Tous deux s’approvisionnent chez M. Kaufmann, un tailleur de la rue des Jardins, et partent la semaine vendre des costumes et articles de confection dans les villages des alentours de Metz. Cette profession leur permet de gagner leur vie et de vivre dans le quartier prisé de la Nouvelle Ville. Pour améliorer les revenus de sa famille, Levy loue une chambre de son appartement pour quelques semaines ou quelques mois.

 

Acte de naissance de Charlotte le 12 janvier 1931 inséré dans son dossier de naturalisation (Archives nationales)

 

 

 

 

Déclaration de nationalité française de Charlotte Schuhmann le 6 févier 1931 (Archives nationales)

 

 

 

 

 

Extrait de l’annuaire de la Moselle de 1935. (Archives Municipales de Metz)

 

Fiche domiciliaire de Lévy Schuhmann. Elle indique qu’avant 1920, il vivait à Frouard. (Archives Municipales de Metz)

Acte de mariage de Lévy et Zlata Schuhmann le 31 juillet 1930 (Archives municipales de Metz).

 

 

En 1930, il épouse Zlata Roth, également née en Pologne, avec qui il emménage au 10 rue de Verdun. Zlata, sans profession, s’occupe de sa fille Charlotte qui naît l’année suivante puis de Joseph né le 27 août 1938. Contrairement à Charlotte, il n’est pas déclaré français. Au 6 rue des Bénédictins, habitent Pierre et Cyli Schumann, le frère cadet et la belle-sœur de Lévy. Leur fille Denise naît en 1938 comme Joseph. La proximité géographique entre les deux couples explique sans doute l’attachement profond de Charlotte pour son oncle et sa tante

 

Nous savons peu de choses de l’enfance de Charlotte. Les quelques photographies et documents dont nous disposons nous donnent cependant des indices. M. Frank a pu aussi nous faire partager ses souvenirs.

* Une famille aimante

Toutes les photographies montrent une famille heureuse et unie dans laquelle les enfants sont choyés. M. Frank se souvient de fêtes d’anniversaire très joyeuses où les enfants étaient très gâtés. Il se souvient d’après-midi de jeux sur l’Esplanade de Metz et à l’île du Saulcy.

Zlata Schuhmann et ses deux enfants, Charlotte et Joseph

 

Charlotte et Joseph

Joseph

 

Un document particulièrement émouvant a été retrouvé par Monsieur Schumann à la veille de la venue de M. Frank à Metz. Au dos d’un message que M. Kaufmann, son fournisseur, lui avait adressé, le père de Charlotte avait inscrit en yiddish les prénoms hébraïques des enfants donnés, comme c’est la coutume pour des enfants juifs, à leur naissance et leurs dates de naissance.

Au dos du courrier de M. Kaufmann à Lévy Schuhmann du 1er septembre 1936, celui-ci écrit au crayon de papier les prénoms et dates de naissance de ses deux enfants :

– Charlotte : Breindel née au mois de Thèvet

– Joseph dit Jojo : Yeouchoua Alexander né au mois de Menachem Av

 

* De fortes valeurs familiales

Outre l’amour d’un père pour ses enfants, ce document suggère que la famille Schuhmann reste très attachée aux valeurs juives. M. Henry Schumann conserve d’ailleurs chez lui un diplôme signé du rabbin Elie Bloch en 1939. Alors en deuxième classe de cours élémentaire, Charlotte obtient le troisième prix d’enseignement religieux.

Diplôme d’enseignement religieux décerné
par le rabbin Bloch à Charlotte Schuhmann en 1939.

 

Deux photographies prises avec son père, le même jour semble-t-il, devant le monument aux morts de Metz et la statue des mères françaises de l’Esplanade semblent montrer un attachement de la famille à sa nouvelle patrie et une volonté de s’y intégrer.

Une photographie de Charlotte avec son père prise devant le monument aux morts de Metz.

 

Photographie probablement prise le même jour devant la statue des mères françaises à l’Esplanade.

 

* Une jeune fille sérieuse

La famille Schuhmann habitait tout près du Collège de jeunes filles, actuel lycée Georges-de-la-Tour. Aucune archive ne peut confirmer que Charlotte y ait suivi sa scolarité. D’après M. Frank, Charlotte était une jeune fille très intelligente qui le dominait par son savoir ainsi que par son sérieux. On peut en déduire qu’elle était bonne élève. L’écriture soignée et l’orthographe de ses lettres pendant la guerre le confirment ainsi que ce troisième prix d’enseignement religieux. Monsieur Frank nous a aussi expliqué que c’était une jeune fille bien élevée, que ses parents étaient stricts avec elle. Elle avait un fort caractère et était extrêmement polie. De caractère indépendant, elle n’aimait guère être contrariée. Dans certaines situations, ayant de fortes réactions pour se défendre ou se justifier, elle pouvait se disputer avec lui.

Cette vie paisible à Metz s’achève dès le début de la Seconde Guerre mondiale. Comme beaucoup de familles juives de Lorraine, la famille Schuhmann est amenée à beaucoup se déplacer pendant le conflit.

 

L’itinérance de la famille Schuhmann (1939-1942)

* Quelques semaines à Bulgnéville (automne 1939)

Selon le témoignage de M. Frank, au début de la guerre, en septembre-octobre 1939 ou peut-être dès la mi-août lorsque la préfecture a incité les Messins qui le pouvaient à partir, son père et Lévy Schuhmann, craignant pour la sécurité de leurs familles, ont décidé de les mettre à l’abri. Ils ont donc emmené leurs épouses et leurs enfants à Bulgnéville, dans les Vosges, où ils ont partagé une même maison. C’est durant ces quelques semaines que les relations entre Charlotte et Robert se sont dégradées, peut-être à cause de l’absence de leurs pères ou d’une inquiétude compréhensible quant à l’avenir. Ceci a d’ailleurs aussi tendu les relations entre leurs mères. Robert Frank se souvient qu’à 10 ans à peine, il était « l’homme fort » de la maison. À ce titre, il était chargé d’aller chercher de l’eau dans des brocs au centre du village. Charlotte était parfois chargée de l’aider mais elle n’aimait pas être commandée, et il avait grand-peine à lui faire accepter cette corvée.

Ce passage à Bulgnéville n’a laissé aucune trace dans les archives communales. M. Frank pense qu’il n’a que peu duré et que les familles sont rentrées à Metz quand il est apparu qu’il n’y avait pas de danger en raison de l’absence de combats pendant la « Drôle de Guerre ».  M. Frank pense que sa famille a cependant quitté Metz dès la fin de 1939, contrairement à la famille Schuhmann qui semble y être restée plus longtemps.

 

* Les Boucholeurs (Charente-Maritime) : printemps-automne 1940

Il semble qu’après leur retour de Bulgnéville, les Schuhmann se sont à nouveau installés rue de Verdun. Henry Schumann a retrouvé une facture d’électricité acquittée par son oncle le 6 mai 1940. La fiche domiciliaire mentionne un départ de la famille le 1er juin 1940. C’est probablement lorsque la Drôle de Guerre se termine et que les Allemands s’approchent de Metz, que la famille Schuhmann quitte la ville pour le village des Boucholeurs en Charente-Maritime. C’est de là que Lévy Schuhmann écrit une lettre en allemand à son frère Pierre, le 10 juin 40 (elle lui parvient alors qu’il est prisonnier de guerre). D’après ce qu’il écrit dans cette lettre, Lévy semble être nouvellement arrivé. En effet, il explique notamment à son frère qu’il a inscrit Charlotte à l’école du village le matin-même. Par ailleurs, la famille s’inquiète de ses bagages qui ne sont pas encore arrivés. Il évoque aussi sa découverte de la ville proche de Châtelaillon-Plage, ainsi qu’une visite à la famille Frank réfugiée à Royan. C’est la seule trace que nous ayons du passage de la famille en Charente-Maritime.

 

Lettre écrite par Levy Schuhmann à son frère Pierre le 10 juin 1940 depuis Les Boucholeurs.

En octobre 1940, la côte Atlantique devient une zone interdite aux Juifs, c’est à ce moment que les Schuhmann et les Frank se retrouvent dans un train puis un camion qui les amènent au village de Festalemps en Dordogne.

 

* Festalemps : automne 1940- 8 octobre 1942

Le petit village de Festalemps accueille une dizaine de familles juives réfugiées de Lorraine et d’Alsace. La famille Schuhmann vit à l’écart du village dans la maison de M. James Peyronnet : le Chêne Vert. C’est une grande maison de 270 mètres carrés. Les Frank vivent à une centaine de mètres de là. Les familles sont très unies même si Robert et Charlotte se disputent toujours. Habituées à mener une existence confortable en ville, elles découvrent la vie à la campagne. Les enfants fréquentent l’école du village. On peut supposer que Lévy Schumann, comme son ami M. Frank, travaille dans les champs.

Le Chêne Vert (carte postale ancienne fournie par M. Alain Peyronnet). M. Frank croit se souvenir que les Schuhmann vivaient sur l’arrière de la maison.

 

Henry Schumann conserve une carte postale envoyée à son oncle Levy par sa tante Régina, depuis le ghetto de Cracovie en juillet 1942. Elle y donne avant tout des nouvelles de sa famille.

 

 

Les archives départementales de la Dordogne nous ont transmis un recensement des étrangers vivant à Festalemps, datant de juillet 1942. Curieusement, Charlotte est considérée comme polonaise alors que son frère n’est pas mentionné comme étranger. Ce recensement constitue certainement un prélude à la rafle qui survient en octobre 1942.

 

 

Liste des étrangers résidant à Festalemps en juillet 1942 (Archives Départementales de la Dordogne).

Festalemps se situe en Dordogne occupée. À ce titre, le village est rattaché au département de la Charente. Il n’est situé qu’à quelques kilomètres de la zone libre. Le frère de James Peyronnet, Fernand, fait franchir la ligne de démarcation à trois des dix familles juives présentes au village. On ignore pourquoi les Schuhmann et les Frank n’ont pas tenté de s’enfuir.

Cette période à la campagne a été très heureuse pour M. Frank. Il en est probablement de même pour Charlotte. Henry Schumann conserve deux lettres écrites par Lévy Schuhmann depuis Drancy : une est adressée aux Peyronnet qu’il appelle « Mes chers amis », l’autre leur est probablement destinée aussi. Toutes deux montrent un réel attachement et une totale confiance des Schuhmann envers les Peyronnet. Ils ont vécu environ deux ans dans la même maison et on imagine que Charlotte a pu jouer à la maman ou à l’institutrice avec les deux garçons de la famille qui ont sensiblement le même âge que Joseph. Cette période heureuse se termine cependant dans des conditions dramatiques.

 

Une enfant séparée des siens : Angoulême (octobre 1942 – juin 1943)

* La rafle d’Angoulême : 8 et 9 octobre 1942

Dans la nuit du 8 au 9 octobre 1942, comme les six autres familles juives qui vivaient encore à Festalemps, la famille de Charlotte a été arrêtée par la gendarmerie française. M. Alain Peyronnet, alors âgé de deux ans, raconte que son père James Peyronnet a essayé de s’interposer au risque de se faire arrêter.

Plaque commémorative apposée à Festalemps à l’initiative de M. Frank. (mai 1998)

 

Les familles ont été emmenées en autocar à la salle philharmonique d’Angoulême où ont été rassemblés 442 Juifs venus de toute la région. M. Frank, nous a expliqué que les conditions lors de cette rafle étaient horribles. Il n’y avait que deux toilettes, qui ont été bouchées dès le premier jour, il n’y avait pas de lit et très peu de chaises, toutes les générations étaient rassemblées (des nourrissons aux personnes âgées) ce qui faisait un bruit effroyable amplifié par la mauvaise insonorisation de la salle. Il évoque aussi le froid de la nuit, la récupération des objets de valeur par les SS, la peur et l’inquiétude de chacun. Cette rafle a été le début du long chemin qui a mené presque toutes ces personnes à la mort. 387 d’entre elles ont été transférées à Drancy puis déportées à Auschwitz.

Ceux qui ne sont pas partis étaient de nationalité française, Charlotte en était. M. Frank nous a expliqué que les enfants français avaient été séparés des membres de leurs familles restés étrangers. Les policiers allemands ont exigé que les pères accompagnent leurs enfants dans une cour avec les papiers attestant de leur nationalité. Ainsi Lévy Schuhmann a dû emmener Charlotte dans la cour avant de retrouver sa femme et son fils dans la salle. On imagine sans peine l’angoisse de Charlotte pour la première fois séparée des siens.

 

Représentation de la rafle d’Angoulême par Lucile Bossuet.

 

* Charlotte séparée des siens

Charlotte n’a probablement plus eu de nouvelles de ses parents et de son frère qui ont été transférés au camp de Drancy. Depuis le camp, son père écrit cependant deux lettres.

La première date du lundi 19 octobre, il dit être arrivé au camp le vendredi (donc le 16, soit une semaine après la rafle). Elle est vraisemblablement adressée aux Peyronnet. Levy ne sait pas quand ils pourront partir mais il rassure ses amis en disant que la famille est en bonne santé. Il remercie Mme Peyronnet pour son « dévouement et son bon geste ». Nous savons par Robert Frank qu’entre le réveil par les gendarmes vers 6 heures du matin et le passage de l’autocar, les familles ont disposé d’une heure pour rassembler leurs affaires. On peut supposer que Mme Peyronnet a donné des provisions aux Schuhmann, les a aidés à préparer leurs bagages ou s’est occupée d’habiller, faire déjeuner et apaiser les enfants qui ont dû être traumatisés, surtout Joseph qui n’avait que quatre ans. Lévy précise justement que Jojo est avec eux et qu’il est moins nerveux. La séparation d’avec sa grande sœur a dû le perturber encore plus. Lévy demande aussi d’envoyer des colis avec du pain (grâce à des bons qu’il inclut dans la lettre) ainsi qu’un cache-col et une combinaison bleue.

Première lettre écrite par Levy Schuhmann à Drancy le 19 octobre 1942

 

La deuxième lettre est datée du 3 novembre 1942, c’est-à-dire à la veille du départ pour Auschwitz. Depuis la chambre 2 du bloc 1, escalier 1, Lévy écrit à James Peyronnet et à sa famille qu’ils vont partir « en destination inconnue », qu’ils n’ont plus besoin de colis, les remercie de leur aide et leur dit au revoir. Il leur demande de penser à eux et à Charlotte. Les derniers mots qu’il écrit sont pour elle : il espère qu’elle pourra rejoindre sa tante Cyli. Preuve supplémentaire des liens noués entre les deux familles, c’est aux Peyronnet que les Schuhmann pensent avant de quitter Drancy. Le lendemain, Lévy, Zlata et Joseph partent par le convoi 40. Ils sont manifestement morts dès leur arrivée à Auschwitz.

 

Deuxième lettre écrite par Lévy Schuhmann à Drancy le 3 novembre 1942.

 

* Le Bon Pasteur (octobre-décembre 1942)

Après sa sortie de la Salle Philharmonique, Charlotte est envoyée à l’orphelinat catholique du Bon Pasteur, situé rue de Paris à Angoulême. Selon le registre tenu par les religieuses, c’est en novembre que 21 filles juives françaises entre 2 ans et 16 ans ont été placées par le comité des réfugiés de la préfecture. Si la date indiquée par les religieuses dans leur registre est exacte, il se serait déroulé quelques semaines entre la rafle et l’entrée de Charlotte au Bon Pasteur. On ne sait pas où elle était pendant cette période.

Les religieuses expliquent qu’«avec empressement les salles du rez-de-chaussée et le premier du lavoir St Michel furent transformés en salles d’ouvroir et dortoir. » Ce bâtiment a été détruit par un bombardement en juillet 1944.

Les religieuses précisent que les jeunes filles ne sont restées que deux mois car le rabbin de Poitiers les a placées chez des familles juives françaises. Charlotte quitte l’orphelinat le 15 décembre.

 

 

Extrait du registre des Annales de la communauté de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur d’Angoulême, année 1942 recensant les jeunes filles accueillies à l’orphelinat. À droite figure la date de sortie de chaque jeune fille.

* Dans la famille Feingrütz : décembre 1942 – juin 1943.

Charlotte habite chez la famille Feingrütz, au 37 boulevard Denfert Rochereau à Angoulême, à partir du 15 décembre 1942, à sa sortie du Bon Pasteur. Les Feingrütz sont une famille juive française qui accueille des enfants juifs. Henry Schumann conserve deux des lettres écrites par Charlotte à sa mère Cyli. La première date du début de son séjour le 10 janvier 1943 et l’autre est écrite le 1er juin 1943 à quelques jours de son départ pour Paris.

Dans la lettre que Charlotte écrit le 10 janvier 1943, elle se veut rassurante, elle explique qu’elle travaille dur pour avoir un diplôme (peut-être le certificat d’étude), que le rabbin d’Angoulême vient donner des cours de religion les jeudis et dimanches et exprime sa joie d’avoir reçu une carte de son oncle Pierre, le mari de Cyli, et une d’un grand-oncle messin, Victor Schuhmann. Elle parle également de ses parents et de son petit frère, elle explique qu’elle voudrait les voir et qu’ils lui manquent surtout à deux jours de ses douze ans. C’est le premier anniversaire qu’elle passe loin d’eux. Elle ignore bien sûr qu’ils ont été déportés et qu’ils sont déjà morts. À travers ses mots et son écriture soignée, on découvre une enfant sérieuse et studieuse.

Elle demande à sa tante de lui envoyer quelques affaires comme du linge, un peigne fin et du coton. Derrière ces simples demandes, on devine les difficultés de la vie quotidienne à cette époque de grande pénurie. Elle dit également qu’elle est en bonne santé, et elle la remercie de s’occuper d’elle. Ses mots pour sa tante et sa cousine Denise sont très affectueux.

Lettre de Charlotte à sa tante (10 Janvier 1943)

 

Dans sa lettre du 1er Juin 1943, Charlotte paraît angoissée : elle souffre de n’avoir aucune nouvelle de ses parents et de son frère. Elle explique aussi que les Feingrütz sont sans nouvelle de leur fils. Elle exprime à nouveau toute son affection pour sa tante et Denise. Elle répond à deux lettres de celles-ci. Elle partage leur inquiétude à propos de leur mari et père qui n’a pas reçu leurs dernières lettres. Elle engage sa tante à rassurer sa fille. Elle se montre profondément gentille et empathique.

Sa tante lui a proposé de venir dans la Vienne à Bellac ou elle est réfugiée. Cela semble source de vives inquiétudes. Elle évoque des papiers qui ne seraient pas en règle et parle du risque pour elle-même et les Feingrütz de se retrouver à « l’hôpital » si elle fait les démarches pour les avoir. Au dos de la lettre, Madame Feingrütz surenchérit à propos de ces papiers et dit craindre de faire le même voyage que les parents de Charlotte.

Elle est à quelques jours de son examen prévu le 10 juin 1943 mais ne paraît pas certaine de pouvoir le passer. Pressent-elle déjà ce qui va se passer quelques jours après ? Sa situation administrative est-elle si préoccupante ? Le départ pour Paris est-il déjà annoncé ?  Elle paraît en tout cas très perturbée.

 

Lettre de Charlotte à sa Tante (1er Juin 1943)          Au dos, mot de Mme Feingrütz à Mme Schuhmann.

 

La prise en charge par l’UGIF (juin 1943-juillet 1944)

* Le regroupement des enfants par l’UGIF (juin 1943)

L’UGIF, Union Générale des Israélites de France, créée par Vichy en 1941 à la demande des Allemands, est un organisme chargé de l’action sociale ainsi que de la représentation des Juifs. D’après le témoignage de Joseph Niderman, le 6 juin 1943, elle ordonne d’envoyer à Paris tous les enfants juifs du département de la Charente y compris ceux qui se trouvent en zone libre. Les enfants sont d’abord rassemblés dans des hangars ou des halles à Angoulême. Joseph Niderman parle de quelque 150 enfants et adultes qui restent enfermés pendant deux jours dans une grande promiscuité. Le 9 juin 1943, ils arrivent à Paris.

 

* Le centre Lamarck (été 1943)

En 1942, l’UGIF ouvre différents centres pour enfants. Ces enfants, normalement destinés à partir à Drancy, échappent ainsi au moins temporairement à une mort certaine. Avec quelques autres enfants messins, Charlotte est admise au foyer Lamarck, qui se situe dans le quartier Montmartre, le 9 juin 1943. Elle a été enregistrée sous le numéro 976. Âgée de seulement 13 ans, elle s’intègre dans un groupe d’enfants avec lesquels elle devient sûrement amie.

 

Registre des arrivées au Centre Lamarck le 9 juin 43. Charlotte est la dernière enfant enregistrée. Elle est déclarée domiciliée à Festalemps.
(Les reproductions sont peu lisibles, vous pouvez les consulter dans la photothèque en fin de biographie.)

 

* Séjour à Louveciennes

Le 3 septembre 1943, Charlotte fait partie d’un groupe d’enfants envoyés à l’orphelinat de Voisins à Louveciennes.

 

Registre des arrivées à Louveciennes le 3 septembre 1943.

M. Niderman rapporte que, dans son témoignage filmé pour l’INA et la Fondation pour la mémoire de la Shoah en 2016, Félicia Barbanel explique : « On était au centre Lamarck et comme on n’était pas en très bon état, on nous a envoyé à Louveciennes. Là, c’était la campagne, c’était beau, c’était formidable. On était heureuses, on était au grand air, on était bien. La nourriture était bonne. Le directeur était juif lui aussi, monsieur Louy, sa femme, sa fille. Et puis là, bon, on a même fait une petite fête. On a chanté, on a dansé, y en a qui ont dit des poèmes. Ça nous a fait un mois à la campagne. »

Est-ce à l’occasion de cette petite fête qu’a été prise la photographie que conservent encore les familles Schumann et Niderman ? Au dos de cette photographie se trouve le dernier message connu que Charlotte envoie à sa tante Cyli. La référence qu’elle fait à Charlotte Niderman semble montrer que les fillettes sont amies, et peut-être même se connaissent depuis longtemps.

 

Toujours selon les recherches de M. Niderman, le témoignage de Denise Holstein, une monitrice de 17 ans, permet de se faire une idée de la vie des 22 enfants. On entasse jusqu’à neuf lits dans les chambres qui sont grandes. Les plus âgées accueillent les plus jeunes et deviennent monitrices ; elles leur donnent beaucoup de tendresse tout en essayant de se faire écouter.

 

Photographie envoyée à sa tante par Charlotte (elle est au centre au dernier rang).

 

 

 

 

L’arrière de la photo envoyé par Charlotte à sa tante

 

Après cette « parenthèse enchantée », Charlotte revient au centre Lamarck le 6 octobre 1943.

 

* Retour au centre Lamarck et à l’école Lucien De Hirsch (octobre 1943 – juillet 1944)

Registre des arrivées au centre Lamarck le 6 octobre 1943.

De retour au centre Lamarck le 6 octobre 1943, c’est le moment de la rentrée des classes.  Les enfants vont à l’école juive Lucien de Hirsch avenue Secrétan situé dans le 19e arrondissement, elle est également contrôlée par l’U.G.I. F. Les enfants vont à pied jusqu’à la station Anvers et, de là, se rendent en métro en empruntant le dernier wagon réservé aux juifs par la législation antisémite.

La dernière photographie connue de Charlotte a été prise à cette époque. C’est une photo d’identité qu’elle envoie en février 1944 à son oncle Pierre Schumann. Il a été fait prisonnier de guerre lors de la défaite de la France en 1940. Il est détenu au stalag III B à Fürstenberg sur Oder. Il a toujours conservé cette photo de sa nièce et l’a transmise à ses enfants.

 

 

Photo de Charlotte adressée à son oncle Pierre le 29 février 1944.

Au dos de la photo, outre le message montrant encore une fois l’affection de Charlotte pour le frère de son papa, on peut voir le tampon du stalag IIIB.

Le centre Lamarck est endommagé par un bombardement allié sur le nord de Paris, dans la nuit du 20 avril 1944. À partir de ce jour, les enfants logent à l’école De Hirsch transformée en internat.

 

L’arrestation, l’internement et la déportation : juillet – août 1944

* L’arrestation : 22 juillet 1944

À l’aube du 22 juillet 1944, les enfants de l’école de Lucien de Hirsch ont été arrêtés sur l’ordre d’Alois Brunner. C’est le Kommando Drancy, composé d’un ou deux Allemands et de quelques détenus qui collaborent, qui procède à l’arrestation. Grâce au témoignage de Monsieur Henri Urbejtel (un rescapé du convoi 77 arrêté en même temps que Charlotte) recueilli par Monsieur Niderman, nous connaissons les circonstances de l’arrestation. Les enfants ont été réveillés par leurs monitrices qui leur ont demandé de rassembler toutes leurs affaires pour se préparer à partir mais sans leur indiquer la destination. Des autobus de la TCRP (Transports en Commun de la Région Parisiennes) avec leurs plates-formes arrière ouvertes les attendaient devant l’école pour les emmener jusqu’à Drancy.

Plaque mémorielle se situant devant l’école Lucien de Hirsch

 

* L’internement à Drancy du 22 au 31 juillet 1944.

À son arrivée à Drancy, Charlotte se voit attribuer le numéro 99 et est directement admise à l’infirmerie. C’est peut-être pour un problème de genou mais les archives du camp ne le précisent pas. Il est très probable qu’elle soit restée les dix jours à l’infirmerie.

Registre des arrivées à Drancy du 22 juillet 1944, Charlotte a été directement dirigée vers l’infirmerie comme deux autres jeunes filles tandis que la plupart des autres ont été envoyés au premier étage de l’entrée 7 (7.1).

 

 

* Le départ vers Auschwitz

Dans le Mémorial des enfants juifs déportés de France, Serge Klarsfeld rapporte que selon certains témoignages, Charlotte Schuhmann a été emmenée sur une civière à la gare de Bobigny le 31 Juillet 1944 car elle souffrait des genoux. Cela explique peut-être son admission à l’infirmerie quelques jours plus tôt lors de son arrivée à Drancy. Nous ne disposons d’aucune autre information sur elle. Si elle est arrivée vivante à Auschwitz le 3 août, son mauvais état de santé ne lui a laissé aucune chance. Elle a probablement été envoyée immédiatement à la chambre à gaz.

Son décès n’a été officialisé qu’en 2005, lorsqu’à la demande de M. Schumann, un acte de décès à la date du 5 août 1944 a été établi. M. Schumann a accompli cette démarche pour tourner la page.

Acte de décès de Charlotte Schuhmann établi en 2005.

 

Sur le mur des Noms récemment restauré au Mémorial de la Shoah, parmi les noms des 76000 déportés juifs de France figure celui de Charlotte SCHUHMANN.

 

Photo prise par M. Robert Franck en janvier 2020.

 

 

Nous remercions très chaleureusement pour leur contribution à ce travail :

– M. Henry Schumann qui nous a gentiment demandé de retracer l’histoire de sa cousine que nous avons appris à mieux connaître avec lui.

– M. Robert Frank qui est venu spécialement de Paris nous confier ses souvenirs sur Charlotte.

– M. Richard Niderman qui, par ses recherches familiales, nous a grandement facilité la tâche.

 

Nous avons également bénéficié du soutien de :

– à Royan : Mme Marie-Anne Bouchet-Roy, historienne spécialiste de la période 1939-1945 et Mme Isabelle Debette, directrice du musée qui nous ont fait entrer en contact avec Mme Isabelle Salvy, documentaliste au Collège Henri Dunant qui nous a mis en lien avec M. Robert Frank.

– à Angoulême : Mme Sylvie Blaise-Bossuet des Archives Municipales et M. Gérard Benguigui, président de l’Association Juive d’Angoulême et de la Charente

– en Dordogne : Mme Sylvie Vidal et M. Bernard Reviriego des Archives Départementales, M. Pascal Rolli, historien spécialiste de la Deuxième Guerre mondiale, M. Stéphane Ferrier, maire de Festalemps et M. Alain Peyronnet, fils de James Peyronnet.

– à Angers, Mmes Sybille Gardelle et Florence Avrillon, archivistes de la communauté du Bon Pasteur.

– à Metz, M. Jean-Eric Iung et Mme Anne Belin des Archives Départementales, Mme Sandrine Cocca et le personnel des Archives Municipales.

– à Paris, M. Daniel Urbejtel, survivant du convoi 77 et Me Serge Klarsfeld.

 

Paroles d’élèves…

En ce mois de mars 2020, alors que le projet touchait à sa fin et que le confinement commençait, il a été demandé aux élèves de dresser un bilan. Voici quelques extraits de ce qu’ils ont écrit :

 

« Au début j’étais perplexe, l’idée de reconstituer la vie d’une jeune fille morte pour moi était impossible à reconstruire, les évènements étaient trop vieux, les archives très peu voire pas du tout conservées et surtout personne n’était là pour témoigner d’un lien familial ou amical avec cette fille dont nous devions restituer l’histoire. » (Eléonore)

« Cette expérience nous a permis d’en savoir plus sur Charlotte et sa famille. De plus, elle nous a aussi permis de nous rendre compte de la réelle souffrance des familles juives durant la guerre, de toutes leurs peines.» (Elisa)

« Cela m’a également permis d’étayer mes connaissances sur la deuxième guerre mondiale et ce génocide. » (Léa)

« J’ai beaucoup aimé rencontrer Monsieur Schumann et Monsieur Frank qui nous ont fait partager leurs savoirs dans des discours très émouvants. » (Emma)

 « M Frank est venu nous voir au lycée, ce qui nous a aidés pour rédiger notre partie du sujet. C’était très intéressant et le fait de voir les émotions de M Frank lors de son intervention, ne pouvait que nous faire vivre encore plus son histoire.» (Maxence)

 « Une des plus belles choses que j’ai vues cette année, c’est l’émotion de M. Frank lorsqu’il nous a montré le visage de ses parents. » (Tristan)

« Ce que j’ai particulièrement aimé c’est donc de découvrir une histoire humaine réelle, d’apprendre des détails sur sa vie. De plus, son histoire était émouvante !» (Léane)

« Ce qui m’a ému c’est la douceur que cette petite fille faisait paraître à travers ses lettres, elle ne méritait pas de mourir aussi jeune. » (Léna)

 « J’ai trouvé le travail sur Charlotte très enrichissant, très différent des autres cours. » (Elisa)

« Ce travail m’a beaucoup apporté car ceci a permis de faire connaissance avec tous les élèves de la classe à travers les travaux de groupes ». (Nicolas)

 « C’était comme un puzzle géant, sauf qu’on n’avait pas les pièces, on a donc dû faire des recherches pour les trouver. » (Maxence)

« J’ai également apprécié observer des anciens documents qui nous en apprenaient à chaque fois plus sur la vie de Charlotte et son histoire mais aussi des anciennes photos qui m’ont aidé à me projeter. » (Emma)

« Nous avons même eu la possibilité de chercher nos informations nous-mêmes (pas que par internet) aux archives de la ville de Metz. » (Mathéo)

« Si j’avais su qu’au final nous aurions autant de documents provenant des archives, autant d’informations, autant de photos même et autant de témoins pour nous parler de près ou de loin de la vie de Charlotte et si j’avais su les émotions que je ressentirais lors de ces recherches, je ne me serais pas posé autant de questions. » (Eléonore)

« Cela m’a aussi apporté une meilleure méthode de travail en groupes et de communication avec mes camarades. Je pense que j’ai eu de la chance, notre classe a eu la chance de participer à ce projet car il est unique et enrichissant. » (Lenny)

« Ce travail n’était pas qu’une simple écriture de biographie mais celle de la mémoire de toutes les personnes qui ont été déportées lors de cette sombre période qu’était la Shoah. » (Léa)

« La biographie est comme un hommage que l’on peut lui rendre pour le mal qui lui a été fait. » (Juliette)

« Ce travail nous a permis de nous sentir plus humains car nous n’avons pas seulement étudié la vie tragique de Charlotte et de sa famille mais nous avons compris leurs vies. » (Tristan)

« Cela empêche la mémoire de tous les Juifs, Tziganes, homosexuels, opposants politiques assassinés par les nazis en France et en Europe de disparaître. » (Maxime)

« Et je trouve également que ça fait réfléchir sur le monde et la façon de penser que peuvent avoir les hommes et sur leurs injustices. » (Léna)

« Tout ça m’a permis de comprendre que nous n’avons rien vécu face à eux, qu’il faut qu’on arrête de se plaindre pour rien. Il y a des choses bien pires dans la vie et eux les ont vécues. » (Inès)

« C’était un agréable travail en commun car tout le monde a mis du sien et chacun pouvait compléter le travail d’un autre, ce qui nous donne l’impression de ne pas avoir travaillé sur un seul sujet. » (Emma)

« Les travaux de toute la classe concernant Charlotte m’ont beaucoup plu car c’est un projet où tous les élèves se sont impliqués et ont donné le meilleur d’eux-mêmes.» (Antony)

« Cette expérience m’a permis d’aller vers mes grands-parents et de leur demander leur passé, leur enfance. J’ai d’ailleurs appris que mon arrière-grand-mère était juive allemande. » (Inès)

« Dans le cadre de cette activité, nous avons aussi eu l’occasion d’assister aux 75 ans de la libération du camp d’extermination d’Auschwitz. » (Mathéo)

« Dans ce travail, j’ai beaucoup apprécié le travail de recherche en groupes. En revanche, j’ai moins aimé le travail de rédaction des recherches. » (Elisa)

« Je n’ai pas vraiment de point négatif à soulever à part malheureusement une certaine incertitude vis-à-vis du décès de Charlotte, on ne sait pas vraiment comment cela s’est passé. » (Tristan)

 « Cela est juste dommage que nous n’ayons pas pu maintenir la sortie au mémorial à Paris. » (Lenny)

 

Septembre 2020 : l’enquête se poursuit…

En cet après-midi du 7 septembre 2020, passé et présent continuent à s’entremêler dans l’appartement parisien de Guy Peyronnet. Fils aîné de James et Alice Peyronnet qui ont hébergé la famille Schuhmann à Festalemps de l’automne 1940 jusqu’au matin du 9 octobre 1942, il a été informé de notre enquête par son frère Alain. Il a convié Robert Frank, Henry Schumann, son fils Raphaël et Bruno Mandaroux à venir le rencontrer.

* Une visite au Bon Pasteur

Son fils Etienne lui a en effet rappelé qu’en 2008, il avait enregistré les souvenirs de sa grand-mère. Nous commençons donc par écouter cet enregistrement. A 91 ans, Mme Alice Peyronnet évoque le séjour dans sa maison de la famille Schuhmann : « des gens charmants » avec leur « petite fille qui s’appelait Charlotte » et « un petit garçon qui s’appelait Jojo ». Après l’arrestation, elle raconte être allée rendre visite à Charlotte et lui avoir porté des friandises lors de son séjour au Bon Pasteur où elle était bien logée et nourrie. Elle sait que Charlotte a été placée ensuite dans une famille juive d’Angoulême puis envoyée sur Paris.

* La bague de Zlata

Un autre souvenir interpelle particulièrement Henry Schumann. Au moment de l’arrestation, Zlata, la mère de Charlotte, a eu le temps de confier à la mère de Mme Peyronnet sa bague de fiançailles et quelques petits bijoux. Mme Peyronnet explique qu’après la guerre, elle attendait et espérait la visite de membres de la famille Schuhmann pour pouvoir leur rendre ces bijoux. Ce sont les parents d’Henry qui sont venus à Festalemps. Henry Schumann, qui ignorait tout de cette visite, se rappelle que des années après la guerre, sa mère portait ce que son père appelait « la bague de Zlata ». Il comprend alors la tristesse de ses parents quand cette bague a été perdue et n’a jamais été retrouvée. C’est aussi probablement lors de cette visite à Festalemps que Mme et M. Peyronnet ont confié à ses parents les deux lettres poignantes que Lévy Schuhmann leur avait écrites depuis Drancy ainsi que la lettre reçue en juillet 1942 de sa sœur Régina depuis le ghetto de Cracovie.

Mme Peyronnet énonce les faits avec clarté et précision sans se mettre en avant. Tout ce qu’elle a fait était normal. Elle conclut ce passage en disant : « C’était des temps plus que troublés ».

* Moisson en juillet 1942

Guy Peyronnet nous montre ensuite une photo de moissons sur laquelle il identifie son père, ses oncles Fernand et Max, lui-même et son frère Alain sur la remorque. Sans hésiter, Henry et son fils Raphaël reconnaissent Lévy au centre de la photo. Cette dernière photo de Lévy Schuhmann peut être datée avec certitude de juillet 42, soit quelques mois après le retour de captivité de Max Peyronnet et quelques mois avant la rafle.

Moisson au Chêne Vert à Festalemps en juillet 1942.

De gauche à droite debout, Max Peyronnet ; Lévy Schuhmann, Fernand Peyronnet, James Peyronnet. Le dernier homme de profil à droite n’a pu être identifié. Sur la remorque, Guy et Alain Peyronnet.

Comme nous nous en doutions, Lévy Schuhmann a dû travailler dans les champs à Festalemps. Lors de son départ pour Auschwitz, il est d’ailleurs enregistré comme journalier.  Nous ne disposons de cette information que depuis juillet lorsqu’Henry Schumann a reçu des archives d’Arolsen, centre de documentation des persécutions nazies, le bordereau de départ du convoi 40.

Bordereau de départ du convoi 40 (archives d’Arolsen).

 

* Souvenirs croisés de Festalemps

Cette rencontre a aussi été l’occasion pour Robert Frank et Guy Peyronnet, en confrontant leurs souvenirs, de faire revivre le Festalemps des années 1940. Tous deux ont longuement échangé sur Fernand Peyronnet, « aristocrate paysan » pour Robert, reconnu comme Juste parmi les nations par le mémorial de Yad Vashem.

Robert a enfin compris pourquoi il n’avait aucun souvenir d’être allé à l’école avec Charlotte. Guy lui a expliqué que, bien que leurs deux fermes étaient voisines, Charlotte et lui devaient emprunter deux chemins différents, l’un menant à l’école des filles, l’autre à l’école des garçons.

Robert a aussi évoqué un poste de TSF que, suite à l’interdiction faite aux Juifs d’en posséder un, son père avait confié à James Peyronnet. Guy ne garde cependant aucun souvenir de ce poste.

L’enquête, passionnante et enrichissante pour chacun, se poursuit donc…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

8 komentarzy
  1. Henry Schumann 4 lata temu

    BRAVO,BRAVO et BRAVO

  2. Richard Nidar 4 lata temu

    Je suis fier d’avoir pu contribuer à ce travail et heureux d’avoir en cours de route pu faire la connaissance d’Henry, de Robert et Nora Frank et bien sur, de ce cher monsieur Mandaroux. Admiratif devant sa qualité et ému devant l’investissement de ces élèves et de leur encadrement.

  3. Isabelle Salvy 4 lata temu

    Bravo aux élèves pour ce très beau et puissant travail. Ils ont eu la chance d’être accompagnés et guidés par leur professeur d’histoire, si engagé, et de rencontrer des hommes, des témoins, exceptionnels. Cela aura été pour eux une formation humaniste incomparable.
    Bravo et merci.

  4. Sandrine Cocca, documentaliste Mairie de Metz 4 lata temu

    Très belle enquête émouvante et très bien étayée, un grand bravo aux élèves et professeurs qui ont su faire parler les archives.

  5. Marie-Anne Bouchet Roy 4 lata temu

    On a beau savoir ce que fut l’extermination des juifs, la lecture de votre récit est profondément émouvante. Soyez persuadés que chaque étape de votre travail a concouru à cette justesse : la recherche historique exigeante, la rigueur de l’investigation, les rencontres et le recueil de témoignages, enfin l’écriture, simple et précise. Grâce à vous tous, Charlotte Schuhmann n’est plus une ombre mais une petite fille dans l’histoire. C’est une belle expérience.

  6. Peyronnet Laurent 4 lata temu

    Je découvre votre travail et la grande qualité de votre enquête sur la terrible histoire de la petite Charlotte et sa famille. James et Alice Peyronnet étaient mes grands parents. Je suis certain qu’ils auraient été très émus s’ils avaient pu vous lire. Merci beaucoup à vous toutes et tous, élèves, enseignants et témoins d’avoir permis à la mémoire de cette enfant de surgir de l’oubli.

  7. Bruno Mandaroux 4 lata temu

    Merci Monsieur Peyronnet. Nous sommes très heureux de contribuer à vous faire mieux connaître ce passé qui lie votre famille à celle de Charlotte. Les deux lettres que Lévy Schuhmann a adressées à vos grands-parents depuis Drancy sont la preuve de sa gratitude et de son affection. Votre oncle nous a dit qu’ils étaient restés très discrets sur cette triste période mais peut-être vous ont-ils confié quelques souvenirs même minimes?

  8. klejman laurence 4 lata temu

    bravo pour cet excellent et émouvant travail!
    Laurence Klejman C77

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