Sigismond BLOCH
Photographie présente dans le dossier de demande de déporté politique
Ce travail est le fruit d’une collaboration entre le lycée Zespół Szkół à Stalowa Wola et le collège Saint-Germain de Charonne à Paris. Le lycée polonais est juste à côté du lieu de naissance de Sigismond Bloch, le collège parisien à côté du lieu où il est enterré.
Deux lycéens polonais Jan et Julia ainsi que leur professeur documentaliste Beata Traz ont travaillé à distance avec la classe parisienne de 3ème Germaine Tillion.
Julia : J’ai décidé de participer au projet parce que je m’intéresse à l’histoire. En outre, l’idée de rechercher et de découvrir l’histoire de Sigmund Bloch, de chercher des indices et de suivre sa trace est également très intéressante et a trait à la criminologie, à laquelle j’associe mon avenir. Récemment, je me suis également intéressée de plus près à la culture juive, et la participation au projet me permet de continuer à approfondir mes connaissances dans ce domaine.
Jan : Ce qui m’a incité à participer au projet “Convoi77”, c’est l’opportunité de prendre part à la création de biographies de personnes. Je suis très intéressé par l’Histoire, ce qui me donne un grand plaisir d’acquérir des informations sur des faits historiques. Je dois admettre que, malgré le passage de tant d’années et la diminution du nombre de témoins de la tragédie nazie de l’Holocauste, cette période de l’histoire suscite encore en moi des émotions négatives. C’est pourquoi je ressens un besoin intérieur d’en savoir plus à son sujet et de transmettre ces informations aux futures générations.
Afin de mieux lire les documents présents dans la biographie faites un clic droit puis un clic sur « ouvrir l’image dans un nouvel onglet ».
Une tombe au cimetière du Père-Lachaise
Les collégiens parisiens ont commencé par étudier les documents que l’on pouvait trouver sur internet.
Sur le site de recherche généalogique FILAE était indiqué que Sigismond Bloch a été inhumé au cimetière du Père Lachaise.
Voici un extrait du mail envoyé au service consacré à la localisation des tombes du cimetière du Père Lachaise :
« Bonjour, dans le cadre de recherche concernant le projet européen Convoi 77 pour le mémorial de la Shoah, je suis à la recherche de la tombe de Sigismond Michel Bloch inhumé au cimetière du Père Lachaise. Il est né le 8 janvier 1887 à Tarnobrzeg en Pologne…… Pourriez-vous m’indiquer l’endroit où se situe sa tombe? »
Voici le mail reçu par les services du cimetière du Père Lachaise, situé à deux pas du collège et des élèves du collège :
« Je vous informe que M. BLOCH Sigismond, Michel a été inhumé le 17 septembre 1951 au cimetière du Père Lachaise dans la concession n° 206 PA 1929 acquise par lui-même. Cette sépulture se situe dans la 94ème division, comptez 11 lignes de tombes depuis la division 77, puis 14 tombes à partir de la division 97. Afin de mieux préparer votre visite, je vous invite à télécharger le plan du cimetière du Père Lachaise sur le site https://www.paris.fr/perelachaise. »
Voici une photographie prise au cimetière. Sa femme Augustine Thérèse Jouanneau y est aussi enterrée. Elle est décédée en 1965.
Sigismond Bloch est né à Tarnobrzeg, dans l’est de la Pologne :
Tarnobrzeg est proche du lycée de Stalowa Wola de Jan et Julia :
Jan et Julia ont fait des recherches sur la ville de naissance de Sigismond Bloch et le contexte historique :
Les armoiries et le drapeau de la ville de Tarnobrzeg, fondée au 16e siècle.
La situation des Juifs en Pologne
La situation des Juifs en Pologne pendant la première guerre mondiale
Le déclenchement de la Première Guerre mondiale a surpris les Juifs d’Europe centrale et les a placés dans une situation difficile. Ils ne considéraient aucune des nations combattantes comme des ennemis. Ils n’avaient pas de frontières à défendre. Ils ne s’intéressaient pas aux conflits armés et n’en voyaient pas l’utilité, mais ils devaient pourtant y participer et étaient parmi les populations les plus touchées par ces conflits. La Première Guerre mondiale a marqué un tournant dans l’histoire récente des Juifs. Elle a entraîné une érosion du sentiment libéral. En Europe de l’Est, les combats ont lieu dans les zones habitées par la population juive ce qui a mené, pour elle, la ruine économique. Le ressentiment à l’égard des Juifs s’est accru, et la base économique des shtetls a été sapée. La moitié d’entre eux se sont retrouvés en URSS, où ils ont subi une acculturation accélérée. L’autre moitié a été “transférée” du fait de la guerre d’États multinationaux à des États-nations nouvellement construits dont la population était majoritairement nationaliste.
En 1918, la Pologne est restaurée et redevient indépendante. Les Juifs se sont retrouvés dans une situation difficile. Ils devaient recommencer à zéro. Pendant plusieurs années après la guerre, la situation politique n’était pas claire et la situation économique était très difficile. L’armée, le gouvernement central et l’administration polonais ont passé de grosses commandes, principalement auprès d’industriels polonais, et ont employé principalement des Polonais. Les Juifs n’avaient donc plus comme “choix”: la soumission, l’émigration ou la rébellion.
Dans l’entre-deux-guerres
Au début de la Seconde Guerre mondiale, la Pologne abritait la plus grande concentration de Juifs d’Europe. Selon le dernier recensement d’avant-guerre de 1931 : 3 130 581 citoyens polonais ont déclaré leur appartenance à la religion juive.
Le recensement de 1931 a montré que 77% des Juifs vivaient dans les villes, et seulement 23% à la campagne. Cet état de fait en 1931 n’a guère changé jusqu’au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Cela a eu des conséquences spécifiques pendant l’occupation : la grande concentration de la population juive dans les zones urbaines et métropolitaines a facilité la mise en œuvre par les Allemands de leur politique discriminatoire puis d’extermination. Les Juifs polonais avaient un fort sentiment national. Cela peut être démontré par le fait qu’environ 85 % des Juifs polonais ont déclaré que le yiddish ou l’hébreu était leur langue maternelle lors du recensement de 1931. Pour la diaspora, le judaïsme polonais est resté un réservoir inépuisable de valeurs religieuses et morales. La grande majorité des Juifs vivant en Pologne depuis leurs grands-parents, ainsi que ceux qui se sont installés sur le territoire polonais sous la pression politique et administrative de l’Empire russe dans la seconde moitié du XIXe siècle, ont conservé une spécificité de coutumes, exprimée entre autres par la langue commune du yiddish utilisée quotidiennement, un code vestimentaire différent et une tendance à vivre dans une communauté religieuse-nationale isolée de son environnement.
Plus de 55 % des Juifs économiquement actifs (en dehors de l’agriculture) en Pologne dans les années 30 étaient de petits artisans et de petits commerçants. Ces chiffres illustrent le niveau modeste de la majorité des Juifs en Pologne et la participation relativement insignifiante à l’élite. Bien entendu, les membres de l’intelligentsia juive, largement assimilés, ont pris une part active à la vie sociale polonaise. Des centaines de savants, d’artistes (écrivains, plasticiens), de musiciens, de gens de théâtre), des milliers de juristes, d’économistes, de médecins, d’ingénieurs – juifs ont sérieusement contribué à la renaissance du mouvement intellectuel dans l’État polonais renaissant après 1918, au développement de la science et de l’art, à la reconstruction de la vie économique après une longue période de non-existence de l’État polonais.
Malgré cela, un sentiment d’aliénation, de distance, prévalait dans la perception des masses juives dans la majorité de la société polonaise. La position de l’Église catholique dominante en Pologne à l’égard des Juifs était caractérisée par la méfiance, elle avait des stéréotypes et des préjugés. Le mouvement pour le dialogue judéo-chrétien n’en était alors qu’à ses débuts en Pologne et se limitait à d’étroits cercles d’élite.
L’attitude de la société polonaise envers les Juifs dans l’entre-deux-guerres
Pendant de nombreux siècles, la Pologne a été un pays dont la société tolérait les représentants d’autres religions que la religion catholique. Cela était garanti, entre autres, par la Confédération de Varsovie de 1573, un document qui garantissait la liberté de religion dans la Communauté polono-lituanienne. Au début du 20ème siècle, la situation a commencé à se détériorer, car les adeptes du judaïsme ont commencé à être maltraités par une partie de la société. En Pologne, ainsi que dans d’autres pays, l’antisémitisme – provenant à la fois de sources religieuses et morales, ainsi que de la concurrence économique – gagne clairement en puissance dans les années 30. Cela s’exprime non seulement dans le programme du Parti National et de la Démocratie chrétienne (Démocrates-chrétiens) nationalistes, mais aussi dans l’activité bruyante des milices du Camp National-Radical, interdit après quelques semaines d’existence en 1934, qui représente un programme fasciste vis-à-vis des minorités nationales. Les infractions et les débordements anti-juifs sont répréhensibles, et effectivement condamnés, mais le climat général de l’opinion publique n’est pas bon.
La Seconde Guerre mondiale
Le 1er septembre 1939, les troupes allemandes attaquent la Pologne. Une douzaine de jours plus tard, assistant les Allemands, l’Armée soviétique se joint à l’invasion. La Seconde Guerre mondiale éclate en Europe.
Environ 950 000 soldats ont participé à la campagne de septembre du côté polonais. Plus de 10 % d’entre eux étaient des Juifs, ce qui correspondait à leur pourcentage dans la société de la Seconde République polonaise. Ils ont servi dans diverses formations, mais surtout dans les unités médicales. Ils ont partagé le sort de tous les soldats polonais – beaucoup d’entre eux ont été tués et blessés, des dizaines de milliers ont été faits prisonniers.
Le début de la guerre a entraîné des répressions contre la population civile, notamment l’intelligentsia. Elles se sont intensifiées après la fin de la campagne de septembre, et sont devenues particulièrement graves pour la communauté juive. Une législation raciste restrictive est entrée en vigueur dans les territoires occupés. Les déportations et les confiscations ont commencé, et les synagogues sont délibérément détruites. Les premiers décrets ont été émis dans le but d’isoler la population juive.
Dès le mois d’octobre, le premier ghetto est établi à Piotrków Trybunalski. Au début du mois de décembre, tous les Juifs âgés de plus de 12 ans ont reçu l’ordre de porter des marques spéciales sur leurs vêtements. Dans le gouvernement général, il s’agissait d’un brassard blanc avec une étoile de David bleue porté sur le bras droit. Dans les territoires annexés au Reich, une étoile jaune est cousue sur la poitrine et le dos. Cependant, personne à l’époque n’aurait pu prévoir l’énormité de la tragédie qui allait s’abattre sur les Juifs dans les années suivantes de la guerre.
La ville de Tarnobrzeg:
Histoire de la communauté juive de Tarnobrzeg
Les premiers Juifs sont apparus à Tarnobrzeg peu après l’incorporation de la ville en 1593. La jeune ville était attractive en termes de commerce – elle a obtenu le privilège de deux foires où l’on échangeait des céréales. Elle manquait d’artisans qualifiés. Par conséquent, des artisans juifs sont venus ici, ainsi que quelques marchands qui ont ouvert des magasins. Dans la seconde moitié du XVIIIéme siècle, les Juifs occupaient une position élevée dans la ville, en tant que conseillers et intermédiaires des propriétaires de la ville, les Tarnowski.
Au début, les Juifs se sont installés à la périphérie de la ville. Avec le temps, ils se sont déplacés vers la place du marché, où ils faisaient du commerce. Presque exclusivement des Juifs étaient impliqués dans le commerce de la ville. La ville était très pauvre, puisque vers 1860, il n’y avait même pas dix petits magasins à Tarnobrzeg, situés dans des maisons en bois. Dans quelques boutiques – en dehors de ce que l’on pouvait acheter aux colporteurs du village – on trouvait du linge de couleur, des mouchoirs, des rubans, du linge de maison, des casquettes, des pipes, dont les paysans étaient très friands à l’époque, des peignes, des bougies de suif. Tout cela, à l’exception du linge blanc acheté aux paysans, était amené dans des charrettes de Tarnów, il provenait probablement des pays industriels comme l’Autriche. Quelques autres Juifs avaient du grain, qu’ils vendaient surtout les jours de marché, en le mettant dans des sacs. Enfin, quelques années avant 1860, il y a eu la première boutique de ferronnier, où le fer était vendu en pièces détachées aux forgerons, ainsi que des pots et des chaudrons en fer, écrus à l’intérieur. Il y avait des auberges, la taverne la plus populaire était celle de Josek, dans l’hôtel de ville. Les premières maisons en briques construites à Tarnobrzeg appartenaient principalement à des Juifs aisés. En 1914, l’hôtel de ville est également devenu un bâtiment en briques – à l’initiative du comte Tarnowski. Des magasins juifs et une taverne populaire y ont également été installés. Outre le commerce, les Juifs étaient également engagés dans la contrebande, ils s’enrichissaient notamment en transportant des produits à base de maïs et de l’alcool par la rivière Vistule depuis le Royaume de Pologne.
Dans l’entre-deux-guerres, une branche de l’Association centrale des artisans juifs de Pologne avec environ 100 membres, fonctionnait à Tarnobrzeg. Il y avait aussi l’Association des marchands, dirigée par Lejb Just en 1939, et la Banque du peuple avec 327 actionnaires en 1932. En 1939, environ 3 800 Juifs vivaient à Tarnobrzeg.
Après la première partition de la Pologne, Tarnobrzeg était sous domination autrichienne et faisait partie du royaume de Galicie occidentale.
Lorsque la Seconde Guerre mondiale a commencé, l’armée nazie est entrée dans Tarnobrzeg en mi-septembre 1939, et en octobre de la même année, la déportation et le transport des Juifs vers les ghettos ont commencé. À cette époque, ils étaient environ 3 800 à y vivre et constituaient près de 70 % de la population. Après l’occupation de la ville, les Allemands ont procédé à de nombreuses exécutions de Juifs sur la place du marché de Tarnobrzeg. Un ghetto a également été établi, entourant le bâtiment de l’ancien rabbinat et de la synagogue, où une centaine de personnes étaient détenues.
Après avoir occupé la ville le 17 septembre 1939, les Allemands ont exécuté 5 Juifs sur la place du marché. À partir du 2 octobre 1939, une partie de la population juive est déplacée par les Allemands vers Mielec et Sandomierz, tandis que d’autres sont chassés au-delà de la rivière San, dans la zone d’occupation soviétique. La ligne de démarcation germano-soviétique passait près de Radomysl et près de Sieniawa. Lors de l’expulsion des Juifs vers Radomysl, les gendarmes du poste du manoir de Grabczyny les transportaient en bateau vers l’autre rive de la rivière San. Plusieurs fois, au milieu de la rivière, ils leur ont ordonné de sauter du bateau dans l’eau. Une dizaine de familles qui sont revenues dans la ville ont été fusillées par les Allemands à Baranów Sandomierski en 1942.
Au début de 1940, dans le bâtiment de l’ancien rabbinat et de l’ancienne synagogue, les Allemands ont organisé un camp de travail pour les Juifs, où ils ont enfermé une centaine de personnes. Ceux qui mouraient d’épuisement étaient enterrés dans le cimetière juif local. Le camp a été liquidé au milieu de l’année 1942. Après la guerre, la communauté juive de Tarnobrzeg n’a pas repris vie.
À Tarnobrzeg, il y avait un quartier juif – Dzików. Il y avait deux cimetières là-bas. L’un d’entre eux a été fermé à la fin du XIXème siècle, probablement parce qu’il n’y avait plus de place. Il a été dévasté pendant la Seconde Guerre mondiale, et après la guerre, un marché y a été installé.
Le second a également été dévasté pendant la guerre et presque toutes les pierres tombales en ont été retirées. Aujourd’hui, on y trouve plusieurs pierres tombales et l’ohel (tombe) du tsadik (juste/ sage) Eliezer Horowitz et des membres de sa famille, et le cimetière lui-même est classé comme monument par le conservateur provincial des monuments.
Ohel in Tarnobrzeg (source : foundation pour la préservation de l’héritage juif en Pologne : 1. https://fodz.pl/?d=1&l=pl)
Il y avait également une synagogue à Tarnobrzeg, qui sert actuellement de bibliothèque. Après sa destruction pendant la Seconde Guerre mondiale, le bâtiment a été rénové, et une plaque commémorant la communauté juive est apposée sur l’un de ses murs.
Aujourd’hui existe une fondation pour la préservation de l’héritage juif en Pologne soutenue par le Conseil de l’Europe , elle a créée la Route Hassidique : un itinéraire touristique et historique qui suit les traces des communautés juives à travers le sud-est de la Pologne. L’objectif de ce projet est de stimuler le développement socio-économique de la région en promouvant son patrimoine touristique multiculturel.
Sigismond Bloch, un médecin lors de la Première Guerre mondiale
Dans le site FILAE était indiqué qu’il avait fait la Première Guerre mondiale. En allant sur le site des Archives de Paris dans les registres des matricules du recrutement (1887-1921) il y avait ce document :
Cette archive des services des armées conservée aux Archives de Paris présente les renseignements sur les personnes au cours des guerres.
Sigismond Michel Bloch, né en Pologne à Tarnobrzeg et qui habite alors Paris rue Michel Bizot, se porte volontaire pour la guerre à 27 ans dès le 26 août 1914.
Il est médecin nommé par le directeur du service de santé de la 5ème région et sera médecin de la légion étrangère à l’arrière du front. Il a soigné les « gueules cassées ».
Il se déplace à la Roche sur Yon , il est nommé médecin auxiliaire le 14 octobre 1914 , puis il passe dans le groupe des brancardiers, puis à Auxerre en 1917 où il est affecté à l’hôpital, ensuite à Noisy-le-Sec et termine au 418 ème Régiment d’artillerie lourde en tant que médecin aide-major 1ère classe.
Cette archive est ce que l’on appelle un feuillet matricule
Un médecin sous Vichy
Il habitait dans le 8ème arrondissement selon le recensement de 1936 avec sa femme Augustine Thérèse Jouanneau qu’il a épousé en 1929 dans ce même arrondissement. Ses parents sont Tobie Bloch, industriel et Chaja Last.
On retrouve sur le site internet des universités de médecine de Paris des publications scientifiques de Sigismond Bloch dans la Gazette des hôpitaux, il avait un cabinet de médecine générale:
Et en mars 34 , en tant qu’assistant de médecine à l’hôpital Beaujon :
Dans son dossier de déporté il est précisé qu’il a fait une demande afin de continuer son métier :
DAVCC
En effet selon les lois de Vichy et la loi du 16 août 1940 :
« nul ne peut exercer la profession de médecin en France s’il ne possède la nationalité française à titre originaire comme étant né de père français ». Des dérogations sont prévues pour ceux « qui ont scientifiquement honoré leur patrie d’adoption » et ceux qui ont servi dans une unité combattante au cours des guerres de 1914 et de 1939.
On suppose que Sigismond Bloch a pu obtenir une dérogation en tant qu’ancien combattant qui a obtenu la Croix de combattant volontaire durant la guerre de 14 et naturalisé depuis longtemps mais nous n’en avons pas la preuve.
Le contexte de l’arrestation et de la déportation de Sigismond Bloch
Durant la visite au Mémorial de la Shoah de Paris les collégiens parisiens ont pu voir le nom de Sigismond sur le mur des noms.
Selon le dossier de déporté politique, Sigismond Bloch a été arrêté le 1er juillet 1944 chez lui rue de la Boétie dans le 8ème arrondissement en présence de son épouse, de la concierge Mme Lecarier et d’une voisine Mme Hayo, par la police française. Il est indiqué que le motif d’arrestation est racial et qu’il a fait des certificats médicaux jugés « de complaisance » pour échapper , non pas à la mobilisation , il a en effet 57 ans, donc plus l’âge d’aller combattre mais pour échapper à la déportation.Il est envoyé à Drancy le 3 juillet 1944 et est déporté à Auschwitz le 31 juillet, il y reste jusqu’au 27 janvier 1945. Il est rapatrié à l’hôtel Lutétia en mars ou juillet 1945.
En 1944, la France est coupée en deux parties. La zone libre qui est dirigée par le maréchal Pétain qui a les pleins pouvoirs depuis 1940 et la partie occupée qui appartient à l’Allemagne nazie depuis 1940.
Source : United States Holocaust Memorial Museum
En Europe, l’armée Russe et ses victoires sur l’armée Allemande (Stalingrad le 2 février 1943) permettent la conquête et/ou la reconquête de nombreux territoires notamment sur le front de l’Est avec la Finlande, la Roumanie ou encore la Bulgarie grâce au recul des Allemands. De plus, sur le front de l’Ouest c’est le début de la conquête de l’Italie (l’un des trois pays de l’Axe avec le Japon et l’Allemagne) en janvier 1944.
Le front de l’Est : Durant l’été 1944, les Soviétiques ont lancé une offensive majeure, qui a libéré de la domination nazie le reste de la Biélorussie et de l’Ukraine, les pays Baltes et la Pologne orientale. En Août 1944, les troupes soviétiques ont traversé la frontière Allemande.
L’Allemagne nazie commence à perdre de plus en plus de batailles face à l’URSS et le 6 juin 1944, les Américains, les Anglais, les Canadiens et les résistants français dirigés par le général de Gaulle débarquent en Normandie. Dans ce contexte de défaites militaires successives, Hitler réquisitionne les troupes allemandes pour déporter et tuer plus de Juifs.
C’est dans ce contexte qu’est organisé le convoi 77, parti de Drancy le 31 juillet 1944, l’un des derniers convois de Juifs depuis la France, contenant un millier de Juifs partant de Drancy en direction d’Auschwitz.
En France, les troupes allemandes sont encore plus assidues dans leur tâche puisqu’il ne reste plus que quelques jours avant que Paris ne soit libéré et cela s’avère vrai puisque le 26 août 1944, Paris est libéré.
L’arrestation et la déportation de Sigismond Bloch a eu lieu à peu près un mois après le débarquement allié en Normandie et un mois avant la libération de Paris, c’est la fin du régime de Vichy (qui va être remplacé par le CFLN, le comité Français de Libération National qui devient le nouveau gouvernement) avec le dernier conseil des ministres à Vichy le 12 juillet 1944. C’est la débâcle de l’armée Allemande. La France se libère peu à peu grâce aux alliés.
Interné au camp de Drancy
En mars la classe s’est rendue au Mémorial de Drancy.
Voici leur travail et leurs impressions, ils ont pu écouter des témoignages d’enfants qui furent internés à Drancy comme celui de Francine Christophe, Jacques Szwarcenberg , d’Annette Landauer et Gil Tchernia.
Francine Christophe a été arrêtée en 1942, à l’âge de huit ans et demi avec sa mère. Elles sont déportées au camp de concentration de Bergen-Belsen le 7 mai 1944 dans le convoi n°80. Jacques Szwarcenberg a été déporté en février 1944, il a 11 ans, à Bergen-Belsen. Annette Landauer a été arrêtée et emprisonnée à Drancy en 1942 lors de la rafle du Vel d’Hiv, elle a 11 ans. Gil Tchernia est arrêté et emprisonné à Drancy en 1943, il a 4 ans.
A l’arrivée au camp de Drancy, les déportés se font contrôler leurs bagages, pour ceux qui en ont, par les autorités Allemandes, les agents ou les gendarmes. Ils sont ensuite inscrits sur un registre et doivent porter l’étoile jaune pour ceux qui ne l’avait pas.
La communication avec l’extérieur était possible. L’extérieur envoyait des colis d’alimentation aux déportés qu’ils partageaient entre eux dans la chambre. Ils cousaient des lettres dans les ourlets des vêtements à peine visibles pour pas que les autorités Allemandes s’en rendent compte.
Les témoins décrivent des chambrées mal odorantes, les matelas sont par terre à même le sol, Ils sont tachés de sang et dégoûtants. Les internés sont 60 par chambrées; il n’y a pas d’intimité, ni de douches pour se laver. Ils font donc leur toilette à l’aide d’un robinet.
Les témoignages des rescapés montrent qu’ils sont des exceptions car la grande majorité des internés a été déportée vers des centres de mise à mort. Nous pouvons dire en quelque sorte qu’ils ont eus de la «chance» d’échapper à la mort mais ils ont quand même vécu dans des conditions atroces dans la peur, la saleté, les maladies, la faim et les violences. Le camp de Drancy représente aujourd’hui pour ces témoins un endroit où ils ont beaucoup souffert. C’est quelque chose qu’ils ne veulent surtout pas oublier, une partie de leur personnalité et de leur morale repose sur le camp Drancy. Le revoir leur permet de se reconstruire même s’ils auraient préféré que cela soit transformé en musée, certain estiment que le fait que le camp de Drancy se soit transformé en HLM signifie aussi le renouveau et la Renaissance.
Impression des élèves
« Un passage m’a particulièrement marqué: il s’agit de celui ou un des anciens internés qui raconte que lorsqu’il jouait sur un balcon avec d’autres enfants, un soldat allemand a crié fort et les a mis en joue avec son arme. Ce passage témoigne de la violence au sein du camp et de la cruauté des gardiens. »
« Les enfants recevaient le même sort que les adultes. La majorité des gendarmes n’avaient aucune pitié pour eux et allaient même jusqu’à les frapper. »
« Ce qui m’a également marqué, ce sont les dessins réalisés par les internés : sombres, tristes et lugubres, ils montrent la vie au sein du camp. Cette façon triste et lugubre de représenter ce qu’ils voyaient témoigne de leur désespoir face à l’internement dans le camp, comme en témoigne les titres de ces dessins notamment «Vivre comme un chien» et «Au seuil de l’enfer».
« Il y a également le reste d’un mur où j’ai vu gravé un nom, la date d’arrivée et de déportation et une phrase qui m’a énormément touché, qui est «je reviens».»
Fernand Bloch, Max Lévy et Eliane Haas ont été déportés par le convoi 77
« Ce qui m’a touché est l’histoire du tunnel construit par des internés pour s’évader et découvert par les gardes. Par chance les 12 internés qui s’étaient fait prendre avaient été envoyés dans un autre camp. Dans le train, ils ont réussi à s’évader avec les autres personnes du wagon. »
2. https://www.fondationshoah.org/memoire/les-evades-de-drancy-de-nicolas-levy-beff
« La faim et le bruit incessant semblait toujours revenir dans les témoignages, ça a dû être vraiment traumatisant pour eux. Les conditions d’hygiène sont affreuses et je n’arrive pas à comprendre comment des gens trouvaient du plaisir à faire ainsi souffrir les gens. Une chose qui revenait beaucoup dans les témoignages même si les rescapés du camp ayant été interrogés n’ont pas été questionnés dessus est le fait de ne pas se faire remarquer au risque de souffrir. L’exemple donné montre à quel point il était important de respecter cette règle implicite est tout simplement effroyable et glaçant : mettre des enfants en joue car ils jouent bruyamment est affreux. »
« Une chose qui m’a beaucoup étonné est que des gens (les policiers et leurs familles) ont volontairement accepté de vivre dans les tours surplombant le camp et donc de pouvoir regarder à n’importe quel moment de la journée des hommes, des femmes et des enfants souffrir, ces gens sont abjects. »
« Ce qui m’a marqué le plus lors de notre visite à Drancy a été le wagon. Ce wagon de la SNCF était utilisé pour déporter des juifs jusqu’à Auschwitz pour être assassinés comme du bétail»
« Ce qui m’a marqué lors de la visite du Mémorial de Drancy et l’écoute des témoignages est le manque d’hygiène. Savoir que les personnes dormaient par terre sur des paillassons plein d’excréments et qu’ils ne pouvaient pas faire leur toilette avec les robinets à disposition avec un peu d’intimité m’a choqué. Aussi ce qui m’a marqué lors de cette visite et l’écoute de témoignages est la faim qu’avaient ces gens dans les camps. Les parents se sacrifiaient pour que leurs enfants puissent manger sans avoir faim en leur donnant leur propre repas. Les petits garçons qui fouillaient dans les poubelles à la recherche de restes et mangeaient tout ce qu’ils pouvaient m’a fait vraiment mal au cœur, personne ne mérite d’avoir autant faim et tout le monde devrait manger à sa faim. La vie dans les camps étaient monstrueuse pour tous et je pense encore plus pour ceux qui sont arrivés sans leur parents. »
« Le fait d’avoir vu le nombre exorbitant d’enfants internés m’a marqué ; il me paraissait impensable et insensé d’apercevoir tant d’enfants vivre dans de telles conditions pour la plupart sans leur mère et pour des raisons qui sont complètement ignorées à leur âge. Nul ne mérite de vivre dans de telles conditions de vie et d’hygiène aussi médiocres pour la personne que l’on est. Qu’importe l’origine, la confession ou l’orientation sexuelle. Ces enfants ne méritaient rien de tout ce qu’ils ont vécu. »
« Lors de la visite du Mémorial de Drancy la chose qui m’a marqué c’est les enfants qui doivent rester sans repères, sans parents, sans frères et soeurs, ou encore quand lors d’un témoignage l’un d’eux a dit que tellement leur soupe ne leur suffisait pas, ils attendaient que les cuisiniers sortent les poubelles pour s’y servir. Car ils avaient très faim et ça m’a tout de suite fait réagir car je trouve ça triste qu’un enfant ne puisse pas manger à sa faim ».
Le témoignage d’une déportée à Birkenau: Ginette Kolinka
Sigismond Bloch a été déporté en juillet et Ginette Kolinka en avril, ils sont tout deux rentrés en France.
Sur le site du Mémorial de la Shoah, Ginette Kolinka:
En avril Ginette Kolinka, née Cherkasky, déportée par le convoi n°71 est venue rencontrer les élèves du collège parisien, voici les impressions d’élèves :
« Ginette Kolinka nous a raconté ce qu’elle avait vécu à l’âge de 19 ans lorsqu’elle fut déportée à Drancy avec son père, son frère et son neveu, le 13 mars 1944 par la Gestapo, à la suite d’une dénonciation. Elle sera par la suite déportée à Birkenau avec sa famille, par le convoi n°71, dans lequel se trouvait Simone Veil. Pendant ce récit, nous avons tous pu éprouver de nombreux sentiments ou émotions. Pour ma part, j’ai ressenti de la tristesse mêlée à de l’empathie, de la haine mais aussi de la joie. En effet, j’ai principalement ressenti de la haine envers les nazis. Cette haine s’est imposée à moi quand elle nous a raconté son arrivée au camp ; les femmes avaient été séparées des hommes et amenées dans un endroit à part. D’autres femmes leur ont alors ordonné de se déshabiller devant tout le monde, leur ont rasé le corps entier y compris la tête. Ensuite, on leur a tatoué un numéro sur l’avant-bras. Raser la tête des femmes et les tatouer comme des bêtes m’a fait comprendre que les nazis déshumanisaient totalement les Juifs.
La tristesse et l’empathie se sont aussi emparées de moi au moment où elle nous a raconté en détail la descente du train. Là, des camions se remplissaient de personnes très jeunes ou trop fatiguées pour poursuivre la route, vers le camp, à pied. Ginette Kolinka propose alors à son père et à son frère de monter dans un camion pour les soulager car ils étaient fatigués par le voyage. Ce n’est que quelque temps plus tard qu’elle apprendra que ces camions partaient directement vers les chambres à gaz. Quant aux personnes aptes à travailler, elles étaient envoyées dans le camp de travail. La descente du train fut donc la dernière fois qu’elle vit une partie de sa famille. »
Le retour
Le 27 janvier 1945, les troupes soviétiques entrèrent dans Auschwitz, Birkenau et Monowitz. Il y avaient plus de 6000 prisonniers dont la plupart étaient malades et mourants.
Sigismond Bloch est resté à l’hôpital St Lazare à Cracovie de janvier à juillet 1945, soigné pour le typhus avant d’être rapatrié à Paris à l’hôtel Lutétia.
DAVCC
Archives Arolsen
Il est décédé le 14 septembre 1951 à Paris dans le 8ème arrondissement à son domicile rue de la Boétie à l’âge de 64 ans, 6 ans après son retour des camps. Après la guerre c’est sa femme qui entame des recherches et un travail de reconnaissance. Elle habite alors square de l’Aveyron dans le 17ème arrondissement.
DAVCC
Sources:
– Gutwein Y., Mémoires de mon shtetl, Dzikow (Tarnobrzeg), Paris 1948.
– Baran A. F., Tarnobrzeg – Shalom, “Tarnobrzeskie Zeszyty Historyczne” 1991, n° 1.
– Reczek K., Les Juifs dans ma mémoire, “Tarnobrzeskie Zeszyty Historyczne” 1991, n° 1
– Piotr Wróbel, “Żydzi polscy w czasie I wojny światowej”, 1992.
– Encyclopedia United State Holocaust Memorial Museum.
– Archives de Paris.
– Archives médicales (Archives de la bibliothèque numérique Médica).
– Archives de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC).
– Archives du centre d’Arolsen.
Liens:
- https://fodz.pl/?d=1&l=pl
- https://www.fondationshoah.org/memoire/les-evades-de-drancy-de-nicolas-levy-beff
- https://ressources.memorialdelashoah.org/notice.php?q=fulltext%3A%28cherkasky%29%20AND%20id_pers%3A%28%2A%29&spec_expand=1&start=2