1875 - 1944 | Naissance: | Arrestation: | Résidence: ,

Biographie de Salomon Kasmen (15/06/1875)

Biographie étudiée et rédigée par Elodie GERFAUD, étudiante en M1 Archives 2017-2018, sous la direction de la Professeure Marie-Anne MATARD-BONUCCI, Université Paris 8, Vincennes-St Denis. Sous réserve de relecture professorale.

Pour fuir l’oppression et les pogroms de la Russie tsariste mais aussi une situation économique désastreuse (dont les personnes de confession juive sont les premières victimes), de nombreuses familles décident de fuir leurs pays d’Europe centrale ou orientale pour partir vivre ailleurs. Mais où aller ? Dans de nombreux cas, c’est la présence d’un membre de leur famille déjà sur place qui déterminera l’endroit où la famille s’installera. Parfois cela ne tient qu’à une affinité, à une vague idée que l’on se fait du pays d’accueil. Beaucoup de personnes de confession juive partiront tenter leurs chance dans le nouveau monde, en Amérique. D’autres choisiront l’Europe et notamment la France qui représentait pour certains un pays d’opportunité politique, économique et culturelle.

 

C’est le cas de la famille Kasmen qui comme des milliers d’autres familles[1], choisit la capitale française pour s’établir. En 1897, Salomon Kasmen (né à Lejevesk ou Lipovetsk le 15 juin 1875 – >Konotop en Ukraine actuelle possible NDLR) arrive de Russie avec ces parents, Charles (Chays – Chaïm possible NDLR) Kasmen et Sarah Elkouke, il a 22 ans. La famille s’établit dans le 18ème arrondissement, au 39 rue du Poteau, près de la station de métro Jules Joffrin et de la mairie d’arrondissement. À la fin du XIXème siècle, ce quartier situé entre les fortifications de l’enceinte de Thiers et le mur des Fermiers généraux est un quartier populaire où logent de nombreux immigrés juifs.

 

Le père de Salomon exerce la profession d’ouvrier tailleur (il réalise des vêtements pour des particuliers) et sa mère celle de ménagère. Salomon est tailleur, comme son père.

 

L’année de son arrivée en France, Salomon rencontre Félicie David et se met en couple avec elle. Félicie est née à Metz (Lorraine) le 21 mai 1873. Sa mère, Rosalie Lazard, est décédée et son père, Léon David, travaille comme marchand de tissus sur la Butte Montmartre.

 

Le 13 juillet 1897, le couple se marie à la mairie du 11ème arrondissement. Ils emménagent dans la même rue que les parents de Salomon, au 53 rue du Poteau. Ils ne restent que quelques mois dans ce logement car Félicie est enceinte – ils doivent trouver un logement plus grand pour accueillir leur premier enfant. Ils déménagent non loin de là, au 66 rue du Ruisseau, toujours dans le 18ème arrondissement.

 

Un an plus tard, Félicie met au monde leur premier enfant, c’est une fille qu’ils appellent Fanny. Elle naît le 12 mai 1898. Le 19 décembre 1898, l’enfant décède au domicile de ses parents, elle est âgée de sept mois. Un an plus tard naît leurs deuxième fille Esther (9 déc. 1899). Salomon a 24 ans et Félicie 26. En 1904, soit 5 ans plus tard, le couple accueille leurs troisième fille, Ida, le 5 juin 1904. Salomon exerce à cette époque la profession de marchand d’habits. Félicie ne travaille pas. Deux ans plus tard, le 25 janvier 1906, leurs 4ème fille naît, c’est Berthe.

 

Le 26 janvier 1908 Salomon ouvre son commerce au 16 rue Caffarelli dans le 3ème arrondissement. Une mention sur le registre du commerce indique qu’il est « brocanteur ». Le local commercial ne lui appartient pas, il le loue à un certain Mr. Feldblum qui est domicilié à Saint-Mandé, au 68 avenue Alphand. Salomon utilise sa boutique comme lieu de stockage et travaille au Carreau du Temple dans une friperie. Pour compléter ses revenus, il sous-loue au noir à ses collègues du Carreau des espaces de sa boutique pour remiser des marchandises.

 

Il faut savoir que le secteur de travail des étoffes est une spécialité des travailleurs juifs de la capitale au début du XXème siècle. Selon un guide yiddish de 1910, quelque 8 860 Juifs sont employés dans la confection parisienne cette année-là, soit 29,3% du total des travailleurs juifs. La fabrication de la casquette est considérée comme une spécialité des juifs russes de l’époque. Dans l’Entre-deux-guerres, on estime que 70% des ouvriers du vêtement sont des juifs d’Europe orientale.

 

Dans le dossier de Salomon Kasmen réalisé par le Commissariat général aux questions juives se trouve un exemplaire du papier à en tête d’une entreprise du Carreau du temple. Il est mentionné « fabrique de chapeaux ». Ce document corroborerait le fait que Salomon, comme bon nombre de ses collègues juifs russes se serait spécialisé dans la confection de couvre-chef.

 

Le 2 juin 1908, le jeune homme fait sa demande de naturalisation, pour lui et ses trois filles (Esther, Ida et Berthe). Il l’obtient le 7 août, soit deux mois plus tard pour les raisons suivantes :

  • Il vit et travaille en France depuis 11 ans.
  • Il est marié à une alsacienne.
  • Ses trois enfants sont nés en France.

Ses trois filles obtiennent aussi leurs naturalisation.

 

En 1922, la fille du couple Kasmen, Esther, qui a 23 ans se marie à Paris le 19 octobre. À cette occasion on apprend que Salomon et Félicie vivent au 10 rue Oberkampf. Ils ont déménagé donc et se sont rapprochés du commerce de Monsieur.

 

En 1927, Salomon et Félicie déménagent dans l’arrière boutique de leurs commerce qui sert d’entrepôts, au 16 rue Caffarelli. Ils vivent dans deux pièces composées d’ « une cuisine et (d’) une pièce à vivre ». On peut expliquer leurs déménagement par la simple et bonne raison que le couple ne gagne pas suffisamment d’argent pour louer en plus de leurs boutique, un appartement. Selon des documents consultés, Félicie est sans emploi et le seul salaire de Salomon ne doit pas suffire.

 

La même année, leur fille Ida se marie. Elle a 23 ans. Berthe se marie en 1936 à l’âge de 30 ans.

 

Dans les années 1940, le Commissariat Général aux questions juives ouvre une enquête sur Salomon Kasmen et son commerce. En application des ordonnances allemandes des 30 mai et 18 octobre 1940 Monsieur B. est nommé commissaire gérant de l’entreprise Kasmen. Au vu des restrictions imposées par le régime de Vichy, le chiffre d’affaire de Mr. Kasmen est réduit au tiers. Il passe de 13 535 francs en 1940 à 4 460 francs en 1941.

 

Salomon doit cesser son activité le 30 mars 1941. Deux mois plus tard, le 20 mai 1941 il est radié du registre du commerce. Ces marchandises sont vendues. Il vit toujours avec sa femme dans l’arrière boutique même si il n’exerce plus.

 

Le 14 juillet 1944, il est appréhendé et arrêté pour motif racial (israélite) alors qu’il « marchait dans la rue ».

 

Le 17 juillet Salomon arrive dans le camps d’internement de Drancy. Deux semaines plus tard, le 31 juillet 1944 il est déporté pour Auschwitz Birkenau par le convoi 77. Probablement jugé trop âgé pour travailler dans le camps, Salomon Kasmen est exécuté probablement immédiatement après son arrivée (son acte de décès est daté du 5 août 1944). Il avait 69 ans.

 

Sa femme, Félicie Kasmen reste encore quelques années dans le logement rue Cafarelli. En 1946 elle habite toujours dans l’arrière boutique d’après le recensement de la population réalisé par la mairie de Paris. Félicie va finir sa vie à Montmorency (Val d’Oise). Elle y décède le 15 novembre 1968.

 

Documents qui m’ont permis d’établir la biographie (désolée, je n’ai pas tout sourcé mais la majorité se retrouve facilement – registres d’états civils de la mairie de Paris en ligne -, le plus difficile est  sourcé : AJ38 et dossier de naturalisation)  :

 

AN – Archives Nationales :

  • AJ38 : ok : Commissariat général aux questions juives j’ai trouvé un dossier qui indique qu’on a fait une enquête sur lui parce qu’il possédait un commerce :

→ MIC/AJ/38/1902 dossier 17000/109

  • Dossier de naturalisation : ok / lui + ses 3 filles

→ BB/11/4797 ; 5334×08

  • Base Bad Arolsen : demande faite et reçue / rien que je ne sache déjà
  • Fonds de Moscou : commencé mais trop long, pas fini. Rien trouvé/

 

Archives de la ville de Paris :

  • Son acte de mariage

→ 1897 V4E9211

  • Les actes de naissances de ses 4 filles
  • acte de décès de son aînée Fanny Kasmen
  • Les actes de mariage de ses 3 filles

+ j’ai trouvé des infos sur ces parents : ils ont eu deux enfants à Paris, et j’ai appris que Salomon avait deux autres frères et sœurs qui semblent être restés en Russie.

  • Les actes de décès de deux de ses filles qui sont décédées à Paris
  • J’ai cherché dans les actes de recensements de la population : je les ai trouvés.
  • J’ai cherché dans les registres de commerce : j’ai trouvé son entreprise.

 

Archives de la ville de Montmorency : ok

  • L’acte de décès de sa femme

Archives de la ville de Metz : ok

  • L’acte de naissance de sa femme

 

Archives de la préfecture de police : rien

Archives de la Shoah : rien que je ne sache déjà

 

Autres informations :

 

Esther Kasmen mariée dans la mairie du (Paris) le  à Ber Leib Mendelovici (né le 30 septembre 1888 à Dorchof (Roumanie)) naturalisé français le 9 mai 1928.

Esther décède 18 septembre 1968 à Paris.

 

Berthe Kasmen mariée (mairie du 5ème arrondissement, Paris) le 6 août 1936 à Herman Bercovici (né le 17 juin 1907 à Galatz (Roumanie)) naturalisé français le 13 novembre 1929.

Berthe décède le 21 novembre 1997 à Paris.

 

En 1908 on apprend qu’il a un frère, Lazare âgé de 13 ans domicilié chez lui et deux sœurs âgées de 15 et 11 ans qui vivent à l’orphelinat de Neuilly.

[1] En 1939, on compte quelque 130 000 Juifs originaires d’Europe orientale dans la seule ville de Paris (y compris 28 500 naturalisés). Source : Musée national de l’histoire de l’immigration.

Contributeur(s)

Elodie GERFAUD, étudiante en M1 Archives 2017-2018, sous la direction de la Professeure Marie-Anne MATARD-BONUCCI, Université Paris 8, Vincennes-St Denis.
1 commentaire
  1. Jacobson 4 ans ago

    Bonjour, je suis Laure Anne Jacobson, l’une des arrières petites filles de Salomon Kasmen. J’ai eu l’immense surprise de tomber sur cette biographie de mon arrière grand père, en tapant sa ville de naissance. J’en apprends beaucoup sur lui et ma famille , je vous en remercie.
    S’il était possible d’entrer en communication avec Elodie Gerfaud afin d’avoir plus de précisions sur ses sources, j’en serai ravie ….

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