Germaine AKIERMAN

1925 - 2016 | Naissance: | Arrestation: |

Germaine AKIERMANN

 

Notre mère (biographie écrite par ses enfants, voir ci-dessous), Germaine, est née à Paris le 06 septembre 1925; certains documents font état du 17 septembre, mais son acte de naissance corrobore la  date exacte du 6.  

Elle sera naturalisée française en 1926.

Ses parents  Chaim Pinkus Akierman (1890-1985) et Syma Taubé Rosenberg (1897-1969) sont nés en Pologne.

Chaim vient s’installer en France au début des années 20, accompagné d’une petite fille Chana dite Clara (1914-2000), née d’un premier mariage.

Syma Taubé rejoint Chaim en France et Germaine est le premier enfant à y naître; suivront  Jeanne (1927-) Bernard (1930-) Adèle (1933-) et Roger (1941-). La famille Akierman habite au 6, rue Hoche à Montreuil. Chaim est cordonnier.

En septembre 1939, Chaim s’engage dans la Légion Etrangère (Matricule  10100) affecté au 21 ème Régiment de Marche de Volontaires Étrangers à Septfonds, dans le Tarn et Garonne, mais il ne sera pas appelé au combat.

Ci-dessous 2 documents de la Légion Étrangère (acte d’engagement et extrait des services)

 

Document 1-Mémoire  des Hommes au Service Historique de la Défense (SHD), voir les documents en fin de la biographie.

 

Jeanne Kerbel (dite Nénette-janvier 2019)

« En 1941, à l’âge de quatorze ans et un jour, je vais travailler à l’usine Dantzer à Montreuil. Je suis opérée pour une appendicite, mes amis viennent me voir à l’hôpital, ils m’apportent des viennoiseries achetées au marché noir.

Témoignage d’Adèle Schaffier (Dédèle-novembre 2016)

« Au printemps 1941, des rumeurs persistantes faisant état d’arrestation des juifs étrangers, mon père  part se réfugier à Castelsarrasin (chez Mr Ballarin, grainetier ) et il ne sera jamais inquiété, espérant nous faire venir un jour.

Photo 1-date inconnue : signée Monsieur Ballarin B.R. Au verso, dédicace « à mon ami Paul Akierman, mon camarade et mon protégé  pendant les jours funestes »
(Paul surnom de Chaim).

 

Témoignage de Jeanne 


« En  juin 1942, nous devons porter l’étoile jaune ». Cette mesure vexatoire s’ajoute à toutes les interdictions qui nous frappent: ne pas faire les courses après 18h, ne pas entrer dans les parcs et jardins publics, obligation de prendre le dernier métro etc…

Photo 2 (en tête de la biographie) -date inconnue (après juin 1942) : Germaine et son amie Jeanne Kravetz – archives Claude Schouflikir

Commentaire d’Alain : Noter que Germaine est seule à porter l’étoile, Jeanne Kravetz non, car les  Kravetz, ne s’étant jamais enregistrés auprès de l’administration de Vichy, ne la portèrent pas et ils ne seront d’ailleurs  jamais inquiétés.

 

Témoignage d’Adèle

« En juin 1942, ma mère  est convoquée au Commissariat de Police pour recevoir les  étoiles jaunes, remises contre des tickets de rationnement. Je me  rends  le lendemain  à l’école Jean-Jaurès avec un très fort sentiment de honte. Dans la cour, avec d’autres fillettes juives je subis des quolibets de la part d’élèves ; la directrice, Mme Perrin convoque  toutes les classes, menaçant les élèves d’exclusion immédiate si de tels faits se reproduisaient. Il n’y eut plus jamais de tels débordements. »

Étant établi que Chaïm  est porté «disparu », Germaine, citoyenne française, est  déclarée « soutien de famille », grâce à l’intervention d’une assistante sociale qui est mandatée par son employeur, Madame Dantzer. Germaine reçoit alors des subsides des Allocations Familiales du régime de Vichy.

En juillet 1942 (le 16 ou le 17 ?) deux agents en uniforme viennent nous prévenir de préparer nos valises. Ils reviennent l’après-midi et nous emmènent à l’école Marcelin-Berthelot.

 Sur le chemin, des passants nous manifestent des marques de sympathie (un morceau de pain) et des regards empreints de tristesse.

A l’école, il y a un Commissaire de Police, chargé d’accueillir les Juifs pour leur signifier leur arrestation.

De prime abord, il nous semble particulièrement fatigué et excédé.

Interrogeant ma mère qui ne parle pas bien le français, il ne comprend pas pourquoi nous portons le nom de notre père alors que ma mère est listée comme Rosenberg. Ma sœur aînée Germaine lui explique que nos parents se sont mariés en Pologne religieusement et non civilement.

Devant cet état de fait qui lui semble incompréhensible, Germaine insistant pour expliquer la situation, le policier nous renvoie chez nous en disant « Foutez-moi le camp ». Nous repartons sous les applaudissements des badauds. Il nous semble que nous sommes les seuls à repartir.

De juillet 42 à février 44, nous menons une vie «normale » : mes sœurs travaillant, moi-même allant à l’école «sans problème».

 

Témoignage de Bernard  

« Début  juillet 42 ,je ne me souviens pas exactement de la date, la sœur de ma mère, Gitla Finkelstein est venue vivre quelques jours chez nous à Montreuil avec son fils Bernard. Bernard était mon meilleur copain, j’adorais jouer avec lui. Son père Maurice était resté à Paris rue Charlot.

Après  quelques jours, Gitla et Bernard décidèrent de retourner chez eux , j’ insistais fortement pour les accompagner.Ma mère et ma tante jugeaient que ce n’était pas une bonne idée et malgré mes récriminations je restais à Montreuil. Quelques jours plus tard , ils furent tous trois arrêtés lors de la rafle du 16 juillet ».

 

Témoignage de Jeanne (dite Nénette)


Comme le raconte Adèle, nous  nous rendons à Marcelin-Berthelot, en juillet 1942, sur les explications de Germaine le policier excédé nous donne l’ordre de f.. le camp.

 

Commentaire d’Alain 

« Maurice Finkelstein  fut déporté le 31 juillet 1942  par le convoi 13, Gitla  le 3 août par le convoi 14 et Bernard le  24 août par le convoi 23.
Furent arrêtés lors de cette rafle :
– une cousine de ma grand-mère, Mala Czarny déportée le 3 août par le convoi 14,
– son fils Henri qui sera déporté le 26 août par le convoi 24.
Yankel, mari de Mala et père d’Henri avait été arrêté en mai 1941, il sera déporté  le 22 juin 1942 (convoi 3).
Leurs deux autres enfants, Rosa (surnommée Rosette) et Jean étaient dans un sanatorium et ont finalement échappé à la déportation ».

Au début 1944, la haine anti-juive d’Aloïs Brunner oblige Germaine à disperser sa famille.

 

Jeanne (Nénette) poursuit :

Le 4 février 44, les Allemands frappent à notre porte, nos voisins leur disent que nous sommes absents. Le lendemain, je vais me réfugier chez mes amis les Boyenval qui habitent rue de la Noue dans le Haut-Montreuil. Grâce à un ami dans  la Résistance, je vais être placée chez les Roussel à Saint-Germain en Laye. Avant d’y aller, j’accompagne mon frère  Bernard à la gare Montparnasse car il va être envoyé à la campagne.

Nous sommes interpellés par un jeune policier à la Nation qui nous demande où nous allons ; je lui réponds que mon petit frère est malade et qu’il va se soigner à la campagne. Cela lui suffit, il nous laisse passer.

 

Adèle:

Le 4 février 44, les Allemands se présentent à notre domicile, essayant d’y pénétrer; une de nos voisines leur signalant que nous sommes absents, ils repartent.

Le lendemain matin, nous quittons notre domicile. Nos voisins du rez-de-chaussée (les Cretaz) nous accueillent chez eux. Germaine nous mène ensuite chez des amis , les Blumenthal (qui ne se sont jamais faits enregistrer) et rapidement nous sommes séparés.

Je séjourne dans différents endroits dont  Fontenay-sous-Bois dans une pension de jeunes filles.

 Sur les conseils de Mme Perrin, je continue ma scolarité et je passe un examen d’entrée en 6ème. Recueillie à l’UGIF de Montreuil avec mon frère Bernard, nous n’y restons pas très longtemps, la direction craignant pour nous. Ma sœur Jeanne s’établit à Saint-Germain en Laye. Mon frère Bernard est hébergé chez des paysans dans la Sarthe.

 

Germaine:

« Je parviens à contacter,  par l’entremise d’un curé,   la Congrégation  Notre -Dame de Sion dirigée par le  père Théomir de Vaux afin que Bernard  soit  confié à une famille à la campagne.

 

Bernard:

« en février 1944, avec Germaine je rencontre le père Théomir de Vaux, je fus très impressionné par ce colosse barbu.

Rendez-vous pris à Montparnasse.

Ma sœur Jeanne m’accompagne à la gare (nous avions enlevé nos étoiles) au changement à Nation, un jeune policier nous  contrôle et nous demande où nous allons. Jeanne répond que je suis malade et que je pars à la campagne, il nous laisse passer.

A Montparnasse, le père de Vaux nous attend avec deux jeunes filles qui nous serviront d’accompagnatrices et de quatre garçons juifs.

Arrivés en gare d’Ecommoy, je suis accueilli par un paysan (Mr Auguste  Landeau) qui me conduit d’abord chez un certain Muller et enfin chez les Gendron. »

Commentaire d’Alain : Les Gendron seront honorés du titre de « Justes parmi les Nations » en 2003. Sur la famille Gendron et les Landeau : voir le site AJPN.NET .

 

Document 2: fiche au nom de Bernard Akiermann dit Acker (Jean Laloum du CNRS-GSRL archives du CDJC microfilm intitulé registre des sœurs de Sion)

liste chronologique des frais payés à la famille Gendron de février à novembre 1944.

 

Germaine : « Ma sœur Clara donne également de l’argent  pour subvenir à ses besoins. »

Voir sur le document 2 dans la marge à gauche : « répondant Mme Bouri (Clara) ».

 

Germaine :

« Je fais le nécessaire pour que le reste de ma famille soit éloigné de Paris ».

 

Photo 3 -datée du 3 mai 1944 :

Germaine, sa mère Syma Taubé, son petit frère Roger et son amie Paulette Dzialochinski.

Au verso : « A mon cher petit frère, en souvenir d’une séparation qui sera brève, j’espère ».

 

Témoignage de Robert Wacjman, cousin de Germaine :

« Nous habitions Lyon, et j’ai été arrêté avec mes parents le 24 mai 1944. On nous a enfermés à Montluc où mon père Maurice a été fusillé le 3 juin. Jeannette, ma mère et moi  avons été déportés par le convoi 76, auquel nous survivrons, malgré plusieurs transferts de camp en camp pour moi ».

 

Adèle :

Germaine reste à Montreuil, à l’usine Dantzer, pour subvenir à nos besoins.

Sur les conseils d’une assistante sociale, nous faisons partie d’un groupe de réfugiés (ma mère, mon petit frère et moi)  du quartier Vaugirard bombardé par l’aviation alliée, et évacués dans le Jura près de Poligny.

Ma mère parlant le polonais, je réponds  aux autorités que nous habitons rue Lecourbe à Paris  et que nous voulons échapper aux bombardements.

En juillet 44, Germaine, restée seule à Montreuil, est dénoncée  et déportée à Auschwitz. De retour à Montreuil, en novembre 44, je retrouve ma famille. En quête d’un logement (n’ayant jamais récupéré le nôtre) nous attendons la fin de la guerre et dans l’angoisse  le retour de Germaine en juin 1945.

 

Germaine :

Début juillet 1944, seule à Montreuil, toujours chez Dantzer, en revenant  du travail, je croise  une patrouille de policiers qui emmènent une famille juive montreuilloise au commissariat; le chef de famille  me montre du doigt et demande aux policiers de les libérer (lui et sa famille) et de me  prendre en échange. En chemin, captive,  je croise mon amie Ginette Renard, je lui demande de contacter ma sœur Clara afin qu’elle fasse passer de l’argent à Bernard.

Je suis conduite au commissariat de police puis envoyée au Dépôt  à la Préfecture de Police le 5 juillet. Je suis  interrogée par les Autorités afin de savoir s’il y a d’autres membres  de la famille pour pouvoir les arrêter à leur tour. Je refuse de dire quoi que ce soit à leur sujet, craignant pour eux.

 

Document 3 – Source:Archive Préfecture de Police de Paris- Registre des consignés provisoires CC2/8 :

Motif « Juive »

Destination : Drancy.

Document 4 – Source : Archives nationales – Fichier familial-F/9/5605

Cette fiche 83 mentionne mon numéro de dossier juif (61712 ) et  comporte plusieurs erreurs : née le 17 09 1925 et que « je » suis sténo !

En milieu de page : mention : Interné Drancy, date du 05 07.

Mentions diverses : SS AJ AO.

SS : ?

AJ: Affaires Juives.

AO : Signifierait Remis aux Autorités Allemandes.

En bas de page: carte d’alimentation timbrée.

 

Document 5 – Source Mémorial de la Shoah. J 61712, Akerman (!)

Mêmes indications erronées.

« Je » suis fouillée et « je » donne ma montre (bordereau 6265 )

 

Document 6-1 Document original titré « Camp de Drancy » daté du 05 07 1944. Source: Archives du CDJC – Mémorial de la Shoah.

 

Document 6-2  Transcription  d’après les souches originales du carnet de fouille 154 daté du 05 07 1944. Source CDJC.

 

A Drancy, « j’y » rencontre la famille Drai et  je sympathise avec leur fille  Perlette et une autre jeune fille, Mathilde Jaffe.

 

Document 7-1  fiche de départ datée du 31 juillet  1944. Source : Archives Nationales -Fichier Drancy Adultes-F/9/5675 :

Cette fiche  est datée du 31 07 1944

Mêmes mentions mais adresse différente : 35 rue François Arago.

 

Au verso du 7.1, Document 7-2 :

Mention « c (mot illisible) remis à son père le 19 02 1945 ».

35 rue François Arago :

Lieu où habitent les Akierman à leur retour à Montreuil en novembre 44, Paris ayant été libéré. La famille Akierman n’ayant pas récupéré son logement rue Hoche.

 

Document 8 : Fiche n° 34 104 : attestation sur présentation de carte d’identité ?  archive d’ origine inconnue : Akerman (références en bas du document : MK 490.105 f-506)

 

Bernard: « en juillet, je reçois une lettre qui me dit que c’est Ginette qui s’occupera de moi dorénavant ; je comprends qu’il est arrivé quelque chose à Germaine ».

 

Germaine :

Je pars avec le convoi 77 le 31 juillet avec de nombreux enfants arrêtés dans les foyers de l’UGIF.

 

Nous arrivons  à Auschwitz-Birkenau  début août. La sélection est faite par Mengele, les parents de Perlette sont envoyés vers leur destin.

 Avec Perlette  et Mathilde, nous sommes  autorisées à entrer au camp. Nous cherchons à savoir où se trouvent les parents de Perlette et les enfants qui faisaient partie de notre convoi.

Les autres déportées, arrivées quelque temps avant nous, nous montrent le ciel. Nous refusons d’y croire. Hélas, la vérité s’impose très vite à nous. Les conditions de vie sont dures : les châlits à partager, les latrines communes …

 Nous passons notre temps à transporter des pierres d’un endroit à un autre sans aucune raison sauf celle de nous épuiser.

Chaque matin, à l’aube, les appels à l’extérieur semblent durer une éternité.

En novembre 1944, je suis envoyée au camp de Kratzau dans les Sudètes .

« Je travaille dans une usine d’armement que j’aimerais voir bombardée par les Alliés. Notre souhait est d’en finir et de mourir sous les bombes alliées. » 

Un peu plus tard, vers avril 1945,  j’ai « la chance » de travailler aux cuisines (où je rencontre Mengele pour la deuxième fois). Je le regarde, il me demande de baisser les yeux et de cesser de le fixer. Je finis par céder.

 

Le 8 mai 1945, Germaine se voit libérée par l’Armée Rouge qui arrive aux portes du camp :

« Vous êtes des femmes libres » nous dit en français un officier qu’elle pense soviétique.

Nous rejoignons un groupe de prisonniers de guerre français récemment libérés.

De retour en train à Paris je passe d’abord au Lutétia.

Je garde le souvenir d’une personne de l’accueil qui a refusé que je choisisse des vêtements « trop luxueux » selon elle pour une pauvre banlieusarde comme moi. Je rejoins Montreuil. Le bruit a  couru que je revenais, aussi je suis  assaillie  à la sortie du métro Robespierre par de nombreuses personnes qui veulent avoir des nouvelles de leurs familles, ils me montrent des photos pour savoir si je les reconnais et surtout s’ils sont vivants. Je ne pouvais pas leur dire la vérité : ils ne les reverraient jamais.

Je retrouve ma famille à Montreuil, nous habitons au 35, rue François Arago car il nous sera impossible de récupérer notre appartement.

Jeanne : « Je reviens tous les dimanches à Montreuil, rue François Arago faire le ménage à la boutique où nous habitons, n’ayant pas pu récupérer notre logement  ».

Germaine :

« J’épouse Joseph Jablonski  le 8 mai 1947 et donne naissance à deux jumeaux (Alain et Michel) Nelly suivra en 1954 ».  

 

 

Biographie instruite et rédigée par Alain, Michel et Nelly.

 

Document 9 : extrait du Journal Officiel de la République, 27 mai 1942, mentionnant la nomination d’Administrateurs provisoires pour les entreprises « privées temporairement de leurs dirigeants » – L’administrateur Grapillard est nommé pour administrer l’entreprise Akierman.

Contributeur(s)

Ses enfants, Alain, Michel et Nelly
2 commentaires
  1. Akierman 6 ans ago

    Comme il est important de connaître l’histoire d’une partie du passé familial….
    C’est un devoir de mémoire pour les descendances à venir.

  2. AKIERMAN Roger 6 ans ago

    Roger Akierman
    né en 1941, j’ai pris connaissance de certains faits en étant plus agé .
    Maintenant, à 78 ans par le texte ci-dessus j’ai encore appris des choses que
    j’ignorais sur ma famille durant ces années noires.
    Ce qui m’a beaucoup ému c’est le verso de la photo 3 où ma sœur Germaine
    décédé en 2016 écrit sur notre prochaine séparation. Il faut noter que l’écriture
    de ma sœur jusqu’à quelques années avant son décès est restée la même.

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