1913 - 1991 | Naissance: | Arrestation: | Résidence:

Dora CHOEL épouse Brodsky (1916-1991)

Photographie ci-contre, sans doute prise après guerre, collection Gérard Trokiner, son neveu

Cette biographie est le résultat d’un travail d’atelier mené en 2019 et 2020 par des élèves du lycée Alexandre-Dumas à Saint-Cloud. En plus du dossier documentaire transmis par l’équipe du projet Convoi 77, la biographie repose sur la consultation des archives de la préfecture de police, des registres d’état civil de Saint-Cloud et de Paris, ainsi que d’un entretien avec Gérard Trokiner, neveu de Dora Brodsky. La correspondance de Fortunée Choel est publiée dans le Mémorial des vingt-quatre élèves juives du lycée Jules-Ferry déportées pendant la Seconde Guerre mondiale (1942-1944), publié en 2015 sous la direction de Monique Epelbaum.

 

Dora Choel est née le 15 mai 1916 à Salonique (actuellement Thessalonique), en Grèce. Elle est la fille de Salomon Abraham Choel, un marchand ambulant (né en 1889) et de Riquetta Magriso (née en 1888). Dora a émigré en France avec toute sa famille, parents, sœurs et frère, pour trouver asile, à une époque où les répressions antisémites se firent de plus en plus régulières. Si la date de l’arrivée en France reste incertaine, on sait néanmoins que Dora a une sœur, Fortunée, née à Salonique 1924 ; elle apparaît ensuite en septembre 1931 dans le fichier de recensement des étrangers, domiciliée rue Lacroix dans le XVIIe arrondissement de Paris et désignée comme vendeuse.

 

Le 29 juin 1935, Dora Choel épouse Joseph Brodsky, ingénieur immigré juif lui aussi, mais originaire d’Ukraine. Par ce mariage, Dora obtient la nationalité française. Dora et Joseph vivent leurs premières années de mariage rue Nollet dans le XVIIe arrondissement à Paris. Ils achètent ensuite, peu avant le déclenchement de la guerre, un appartement à Saint-Cloud, rue du Calvaire, dans lequel Dora sera arrêtée par la police française en 1944.

Dans un article sur les dénaturalisés de Vichy, l’historien Bernard Laguerre souligne que le groupe des Juifs de Salonique a compté de nombreuses personnes dénaturalisées, y compris des enfants nés en France, et démontre que la dénaturalisation a pu jouer un rôle dans leur déportation. A priori néanmoins, la famille Choel n’a pas fait l’objet de procédure de dénaturalisation.

Dora apparaît dans les archives de la préfecture de police de Paris le 28 février 1942 : un procès-verbal est rédigé car elle a été trouvée dans un lieu public après 20h, en contravention des règles du couvre-feu. C’est cette même année que sa famille, à l’exception d’une de ses sœurs, Mathilde, est déportée à Auschwitz par le convoi 44, regroupant des Juifs d’origine grecque de région parisienne. Le 8 novembre 1942, alors qu’elle vient d’être arrêtée et internée à Drancy, Fortunée, sa petite sœur âgée de 17 ans, écrit une lettre à Dora :

« Ma chère petite Dora,
Tu as dû apprendre par la concierge que nous étions tous arrêtés. Ne te fais pas de mauvais sang. Nous allons assez bien. Maman pleure beaucoup mais nous la consolons tant que nous pouvons.
J’espère que nous ne serons pas séparés. Nous devons être déportés cette après-midi vers une destination inconnue. Mais courage, bientôt nous serons réunis. J’espère qu’à toi il ne t’est rien arrivé, chère grande sœur. Donc au revoir et reçois les baisers de toute la famille. Nous essaierons de vous donner des nouvelles le plus souvent possible.
Signé : Fortunée »

Nous avons peu de renseignements sur la vie de Dora et Joseph Brodsky durant cette période. Son mari Joseph a pu prendre l’identité de son beau-frère Maurice Ciline, parti aux États-Unis avec sa femme Raymonde en 1939. Une autre lettre de Fortunée Choel à sa sœur Mathilde, datée du 6 aout 1942, nous apprend également que « Dora est toujours à la campagne avec son mari. »

Dora est arrêtée à son domicile de Saint-Cloud le 7 juillet 1944[1], le même jour que son mari Joseph, arrêté à Paris. Elle est transférée à Drancy le 10 juillet, avant d’être déportée le 31 juillet par le convoi 77 à Auschwitz. A Drancy elle retrouva Joseph, ainsi que sa sœur Riquetta et son beau-frère Abraham Michon : ils furent déportés ensemble. Dora a d’abord travaillé dans une usine de Birkenau puis à partir de novembre 1944 dans une autre usine à Kratzau (Chrastava, République tchèque), où elle est libérée en 1945 par les troupes soviétiques. Rapatriée en France le 9 juin, Dora est, avec sa sœur et son beau-frère, la seule survivante de sa famille, Joseph étant mort en déportation. Une autre de ses sœurs, Mathilde, a pu échapper à la déportation en se réfugiant dans le sud de la France puis en Espagne et au Maroc.

Après la guerre, Dora s’est installée à nouveau rue du Calvaire et a, pendant plusieurs années, poursuivi des démarches administratives afin que l’État français reconnaisse la mort de son mari en déportation et lui décerne la mention « mort pour la France ». Elle obtint ainsi en 1953 une mince pension comme déportée politique et veuve d’un déporté politique.

Dora avance, se reconstruit et tente de refaire sa vie. Elle donne naissance en 1954 à un fils, René Léon qui décède quelques semaines plus tard. Sans jamais se remarier, elle a fréquenté d’autres hommes après la guerre. Elle qui était vendeuse, a ouvert une papeterie. Dora meurt le 18 mai 1991, à l’âge de 75 ans.

Ses descendants nous ont donné d’elle l’image d’une femme forte et souriante, élégante, toujours dynamique et épanouie, malgré le traumatisme de la déportation.

Les photos proviennent des archives personnelles de Gérard Trokiner, son neveu, sans doute prises après la guerre.

[1] Les archives évoquent également la date du 12 juillet 1944 pour l’arrestation de Dora.

Contributeur(s)

Students from the Alexandre-Dumas high school in Saint-Cloud, with the guidance of Nicolas Davieau, their history teacher.
1 commentaire
  1. klejman laurence 4 ans ago

    Joli travail ! Je me permets d’ajouter, pour les personnes que cela intéresserait, que Dora a perdu en déportation Léon (Juda ou Yuda Léon) CHOEL, son frère né en 1922, Allègre (née en 1920) et Fortunée (née en 1924) CHOEL, ses sœurs, ainsi que ses parents, évoqués dans la biographie. Ces 5 personnes résidaient officiellement 36, rue Lacroix dans le XVIIe arrondissement de Paris.

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