Chaja BRODER, née JUDKIEWICZ
Chaja Malka Judkowicz, est née à Przedborz en Pologne, le 16 avril 1897. Elle est la fille de Chaïm Judkowicz et d’Esther Rozdzial.
Elle se marie à Paris 4e, le 27 octobre 1927, avec Salomon Broder, qui est né à Zarki en Pologne le 26 août 1879. Celui-ci obtient la nationalité française en vertu du décret du 4 décembre 1926[1].
Chaja a trois enfants, dont René dit Néné, qui est né le 24 août 1926 à Paris dans le 12e arrondissement. Il est de nationalité française, car son père est français. Salomon Broder décède en 1941.
Photographie du mariage d’Isabelle Broder et Adrien Pouvil en 1933 à Paris [2]
(Salomon Broder deuxième rang à gauche, Chaja Broder à ses côtés, René Broder premier rang à droite)
En juillet 1944, Chaja vit avec son fils René au 4 rue Wifrid-Laurier, à Paris dans le 14e arrondissement.
Chaja et son fils René sont arrêtés par la milice le 25 juillet 1944, dans la rue Henri-Monnier, avec d’autres personnes (rafle).
Ils sont emmenés au poste de police de la rue de la Banque, dans le 2e arrondissement de Paris. Ils sont ensuite conduits au dépôt de la Préfecture de police et sont emmenés le lendemain au camp d’internement de Drancy[3]. Ils y restent du 26 juillet au 31 juillet 1944. Ils sont déportés par le convoi 77, qui part de la gare de Bobigny, le 31 juillet 1944.[4]
Chaja est déportée pour motif « racial » (juif), comme on peut le voir sur ce document.
A leur arrivée à Auschwitz, Chaja est séparée de son fils René, pour toujours… Âgé de 17 ans, il est gazé à son arrivé à Auschwitz-Birkenau[5].
Chaja Broder survit, comme l’atteste ce témoignage de Chaja et d’une amie déportée et survivante du convoi 77.[6]
Témoignage de Chaja Broder et de Renée Laval[7] Parcours de Chaja Broder
On y apprend que Chaja a été transférée dans d’autres camps de concentration.
Elle est à Auschwitz-Birkenau de juillet 1944 à octobre 1944, puis elle est ensuite déportée à Bergen-Belsen[8] de novembre 1944 à janvier 1945. On la retrouve en Saxe dans la prison de Hagen entre février 1945 et avril 1945 avant de rejoindre le camp de Theresienstadt[9] en Tchécoslovaquie en mai 1945. Elle est libérée par l’armée russe, le 9 mai 1945 et sera rapatriée de Pilsen[10] à Lyon, le 4 juin 1945.
Ce témoignage a été confirmée par Renée Laval qui a aussi été déportée par le Convoi 77.
Nous avons pu trouver des renseignements sur « la compagne de route » de Chaja Broder[11]. Il s’agit de Renée Braschevizky, née le 24 juillet 1921 à Paris dans le 12e arrondissement, qui a épousé Maurice Laval le 23 mai 1942 à Paris dans le 14e arrondissement. Le couple n’a pas d’enfant et vit au 103 avenue Verdier à Montrouge (Seine, Hauts-de-Seine). Renée est arrêtée pour faits de résistance, emprisonnée dans plusieurs prisons et internée au camp de Drancy. Elle fait partie du convoi 77 et survivra à l’enfer d’Auschwitz, d’où elle sera envoyée dans un autre camp.
Renée et Maurice Laval
Les deux femmes se connaissaient avant leur déportation, car la famille et le frère de Renée, Léon Braschevyzki, opticien et militant trotskyste[12] était locataire dans le même HBM que Chaja Broder. Léon sera également arrêté et déporté par le convoi 77. Il a survécu et est parti s’installer en Israël.
Léon Braschevyzki, frère de Renée Broder
A son retour de déportation, Chaja fait des démarches[13] pour déclarer le décès de son fils mort en déportation. Celui-ci n’avait que 17 ans. Il est déclaré décédé le 31 juillet 1944.[14]
Déclaration du décès de René Broder par le président du tribunal de Grande Instance de la Seine
Chaja Broder obtient la nationalité française le 27 mai 1947 en vertu de l’article 2 de l’ordonnance 6 janvier 1945.
Chaja Broder mènera aussi des démarches pour obtenir le statut de victime de guerre[15]. Sans ressources, elle a besoin d’une pension. Elle est confrontée à de réelles difficultés, car en raison de la situation après la guerre en Pologne, elle ne peut pas obtenir un certificat de naissance, comme l’atteste ce document trouvé dans son dossier de la DAVCC.
Elle obtient le statut de « Déporté politique » en octobre 1954, ce qui lui permet d’obtenir une indemnité en 1955.
[1] Document fourni par l’association Convoi 77, qui figure dans le dossier personnel de Chaja BRODER, 21 P 718 112, à la DAVCC, à Caen.
[2] Photographie The Broda/Broder. Source http://www.dankazez.com/broda-broder
[3] Le camp Drancy est une cité qui sert de camp d’internement et de regroupement des Juifs de France avant d’être envoyés dans les camps de concentrations et les centres de mise à mort. Près de 63000 d’entre eux seront déportés depuis Drancy.
[4] Convoi 77 est le dernier grand convoi (1306 déportés) ayant quitté Drancy pour Auschwitz le 31 juillet 1944.
[5] Auschwitz-Birkenau est un grand camp de concentration et d’extermination en Pologne. Plus de 1,1 million de Juifs seront assassinés à Auschwitz-Birkenau.
[6] Sur 1310 déportés du convoi 77, seuls 250 (157 femmes et 93 hommes) survivent.
[7] Document attestant le parcours de Chaja Broder de son internement à Drancy à son retour en France.
[8] En avril 1945, c’est dans ce camp que sont acheminés de nombreux convois de déportés d’Auschwitz, de Buchenwald, de Dora, de Dachau.
[9] Le camp de concentration de Theresienstadt est situé à une soixantaine de kilomètres au nord de Prague. Dans les dernières semaines de la guerre, des milliers de détenus provenant d’autres camps de concentration seront transférés à Theresienstadt, mais très peu d’entre eux (un peu moins d’un sur six) survivront.
[10] Pilsen est la capitale de la Bohème, région située dans l’est de la République tchèque.
[11] Documents trouvés au Mémorial de la Shoah : https://maitron.fr/spip.php?article211100. Nous avons contacté l’auteur de ces recherches, mais celui-ci n’avait pas de renseignement concernant Chaja Broder.
[12] Le trotskisme est une philosophie politique de type marxiste se réclamant de Léon Trotski, de ses écrits, de son action et de ses idées. Après 1924, l’idéologie trotskiste se distingue surtout par son opposition à la vision stalinienne du communisme, en contestant le règne de la bureaucratie et en prônant la démocratie et la liberté de débat au sein du Parti communiste.
[13] On voit bien sur le document 1 que la demande a été faite par Chaja Broder, mère de René Broder
[14] À partir de 1945, lorsqu’i ‘est avéré que de nombreux déportés avaient « disparu », les familles ont dû faire établir des certificats de disparition, qui ont été suivis, ensuite, de jugements déclaratifs de décès tenant lieu d’actes de décès. Pour l’établissement de ces documents, arbitrairement, il fut décidé que le lieu de décès serait celui du camp d’internement où les futurs déportés avaient été détenus (Drancy, Pithiviers… ), et la date indiquée fut celle du départ du convoi.
[15] Ce dossier permettait aux déportés d’obtenir une indemnité forfaitaire, dite « pécule », pour le temps passé en prison, camp d’internement en France et en déportation.