Laurence Patrice est adjointe à la Maire de Paris, chargée de la mémoire et du monde combattant. Elle est également déléguée dans le 10ème arrondissement à la culture et au patrimoine.
Vous êtes adjointe à la Maire de Paris chargée de la mémoire et du monde combattant, qu’est-ce que cela implique ?
Cela implique de travailler à la reconnaissance de toutes les mémoires. Nous sommes une capitale multiple avec de nombreux habitants d’origines différentes. Je travaille à ce que les mémoires soient partagées, apaisées.
Mais mon travail n’a pas seulement pour vocation de porter le souvenir des gens et des faits qui ont bouleversé la vie des Parisiens. Il sert aussi à entretenir la mémoire de personnes dont les vies peuvent servir d’exemple aux plus jeunes. La mairie attache par exemple une grande importance au fait que nous donnions beaucoup plus de visibilité aux femmes dans l’espace public.
Donner plus de visibilité aux femmes, c’est montrer aux jeunes filles qu’il y a un moment dans l’histoire où les femmes ont ouvert les champs des possibles. ll s’agit de raviver les mémoires les plus dramatiques comme les plus glorieuses : des femmes qui ont subi la Shoah mais aussi des résistantes, des femmes artistes, ou d’autres qui ont été les premières à se lancer et à revendiquer d’être, par exemple, avocate.
Vous êtes attachée à l’idée de commémorations vivantes. On peut aussi parler de « mémoire active ». Quelle forme prennent ces commémorations ?
Les gestes mémoriels classiques, qui marquent un temps de recueillement, telles que les cérémonies de commémoration, sont très importants et évidemment nécessaires. J’y suis attachée. Mais ils n’ont de sens que si on transmet en parallèle l’histoire des événements en question d’une autre façon. J’essaie donc de créer régulièrement les conditions d’un échange et d’une réflexion approfondie autour d’un événement donné, notamment à destination des plus jeunes.
À titre d’exemple, en 2021, j’ai travaillé sur les 80 ans de la rafle du billet vert [survenue le 14 mai 1941], une rafle qui n’est pas si souvent expliquée. J’ai alors décidé que, toute la semaine du 14 mai, en parallèle des commémorations, on ferait apposer des plaques sur d’autres lieux où des hommes juifs étrangers avaient été convoqués par la police ce jour-là, avant d’être amenés dans le Loiret puis déportés. Des plaques figuraient déjà à la caserne des Tourelles (20e arrondissement), à la gare d’Austerlitz (13e arrondissement), et au gymnase Japy (11e arrondissement). Nous en avons apposé de nouvelles à la Caserne des Minimes 12, rue de Béarn (3e arrondissement), à la Caserne Napoléon 4, rue de Lobau (4earrondissement) et 33, rue de la Grange aux Belles (10e arrondissement).
Désormais, ces lieux racontent cette histoire. Dans le même temps, le Mémorial de la Shoah a produit une exposition photos que nous avons présentée au gymnase Japy, ce qui a donné lieu à des visites d’élèves. À la gare d’Austerlitz aussi, la venue d’enfants a été organisée.
Nous sommes maintenant sur la commémoration de l’année 1942, avec notamment la rafle du Vel d’Hiv. J’ai ponctué l’année de gestes forts : hommage à des victimes, soirée organisée dans le 13e arrondissement autour du cinéaste Robert Bober, ancien copain de classe de Henri Beck, l’un des déportés de la rafle du Vel d’Hiv.
Avec les habitants, nous avons également fait un travail autour du 209 rue Saint-Maur [immeuble dont les habitants ont payé un lourd tribu durant la rafle du Vel d’Hiv, la moitié d’entre eux ayant été déportés, ndlr], à partir du livre et du film de Ruth Zylberman, « Les enfants du 209 rue Saint-Maur Paris Xe ». Les habitants ont souhaité qu’une plaque soit apposée à l’extérieur du bâtiment et une autre sous le porche avec une grande liste de noms de déportés mais aussi de résistants et de justes qui ont vécu dans l’immeuble. À cette occasion, on a fait une cérémonie qui ressemblait plus à une fête. Il y avait énormément de monde.
Comme vous le voyez, on essaie de trouver plein de moyens de prolonger les temps de souvenir et de recueillement pour que cela s’inscrive dans une démarche de transmission. C’est important car on est aujourd’hui dans une grande difficulté : les témoins commencent à être rares. Donc il faut trouver des moyens de porter ces témoignages à la connaissance du public, et particulièrement des plus jeunes, d’une autre façon.
La mairie de Paris apporte un soutien à l’association Convoi 77, pouvez-vous en dire un mot ?
Oui nous soutenons Convoi 77 parce que ce qu’ils font est tellement important. Ce travail sur la transmission et l’échange, cela s’inscrit totalement dans notre démarche. Je n’ai pas de moyens très extensibles mais j’essaie de sauvegarder au maximum toutes les aides que nous octroyons aux associations qui vont dans ce sens. On travaille main dans la main avec Convoi 77 et avec d’autres associations qui s’intéressent à cette mémoire en particulier.