Biographie de Daniel URBEJTEL
Daniel Urbejtel a 8 ans au moment de la déclaration de la guerre en septembre 1939.
Son frère Henri, né le 9 décembre 1928, a dix ans. Sa petite sœur vient de naître en 1938.
Il est né le 19 février 1931, à Paris, dans le XIIe arrondissement, ses parents habitent alors 48 rue d’Alma à Asnières (Seine). Wolf Urbejtel, son père, est tourneur sur métaux et sa mère Ryvka est sans profession.
Daniel a 9 ans en septembre 1940, au moment de la première ordonnance allemande prescrivant le recensement des juifs.
Ses parents sont nés en Pologne : son père, le 5 mars 1905 à Varsovie, et sa mère en 1901 à Olszanka, à l’est de Varsovie. Ils sont naturalisés français, en 1938, et ne se présentent pas au recensement en 1940. Ils ne porteront pas non plus l’étoile jaune.
Peut-être qu’ils ne se sentent pas concernés.
Le 22 juillet 1940, le gouvernement de Vichy promulgue un décret-loi portant sur la révision des naturalisations établies depuis 1927 : 15 000 personnes perdent la nationalité française, dont environ 8000 Juifs qui deviennent apatrides. Le savaient-ils et ont-ils espéré passer au travers ?
19 février 1943, Daniel a 12 ans, c’est son anniversaire !
Mais le matin, une traction-avant noire s’arrête devant le pavillon, trois employés de la préfecture de police de Paris embarquent les parents, Daniel ne les reverra plus jamais.
L’après-midi, « une voiture semblable est revenue mais mes parents n’étaient pas à l’intérieur ». Les enfants sont arrêtés et placés, Daniel est placé dans un orphelinat (Institution Bouteilly à Monthléry) la petite sœur de 4 ans dans une famille d’accueil à Houdan et son frère Henri, 14 ans, dans une maison d’enfants gérée par l’UGIF (Secrétan en premier).
Daniel apprend ce jour-là qu’il est d’origine juive.
Les enfants n’ont pas été arrêtés pour être déportés, parce que les enfants juifs français de naissance n’étaient pas encore visés par les lois de Vichy.
Daniel reste 18 mois dans le pensionnat, il y suivra les classes de sixième et cinquième. Il voit son frère pendant les deux périodes de vacances et, ensemble, ils vont visiter leur petite sœur malgré les difficultés : ils sont obligés de porter l’étoile jaune, à l’extérieur des établissements.
Nuit du 22 au 23 juillet 1944, Daniel a 13 ans
Il rejoint son frère, pour les grandes vacances, au centre Lamarck de l’UGIF, dans le 11e arrondissement. Ils seront tous deux raflés entre le 23 et 24 juillet.
En effet, Aloïs Brunner, alors commandant du camp de Drancy, fait arrêter en banlieue parisienne plus de 230 enfants et adolescents car il manque de monde à Drancy, pour compléter son convoi, en raison des trains qui marchent mal depuis la zone sud. « Dans la région parisienne, Brunner ne trouvait plus grand monde mais les enfants restaient tranquillement à la portée de sa main. À Paris ou dans les environs » (Georges Wellers « De Drancy à Auschwitz » Editions du centre p.120)
Du camp lui-même Daniel ne se souvient pas, « Je n’ai aucun souvenir de la dizaine de jours passés dans ce camp […] Tout semble s’être passé comme si la monstruosité des mois suivants avait écrasé la mémoire de cette période » écrit-il.
Daniel et son frère sont déportés le 31 juillet, moins d’un mois avant la libération de la capitale. Daniel se souvient bien des autobus qui les ont emmenés vers la gare de Bobigny et des wagons à bestiaux qui les attendaient. Le trousseau entièrement neuf qu’on lui avait, curieusement, remis avant le départ le rassurait un peu, ainsi que probablement, les policiers, français, qui aidaient les tout-petits à monter.
Daniel voyagea, avec une centaine d’autres enfants et des bébés, et des plus jeunes que lui, dans le wagon cadenassé. À l’intérieur il y a bien un peu de paille, mais, entassés, il est impossible de s’allonger ni de s’asseoir tous en même temps, l’arrivée d’air est bouchée en grande partie par une planche destinée à empêcher toute évasion.
Il faisait très chaud cet été 1944 ; le récipient d’eau fut vite insuffisant et celui destinés aux besoins naturels aussi. Chaleur, puanteur, arrêts multiples, pleurs des grands et des petits durèrent 4 jours et trois nuits.
Le 3 août 1944, la porte s’ouvrit brusquement ; le bien-être apporté par l’ouverture ne dura probablement que quelques secondes. Sur le quai, les gens, engourdis, tombaient mais se relevaient vite, mordillés par les chiens, abasourdis par les hauts parleurs et les SS qui criaient des ordres.
Un SS constitua deux files. Henri, son frère est dirigé à droite, file des hommes. Devant Daniel, Le SS hésite, puis se décide pour la file de droite. Daniel aurait préféré être à gauche avec les femmes, les enfants et les vieillards en raison de son âge, il n’a que 13 ans.
Les 726 personnes de la file de gauche, dont 271 enfants furent gazés le jour même … Ils étaient plus de 1300 au départ.
Daniel fait partie des 574 déportés regroupés sur la place d’appel. La nudité, la tonte qui laisse des écorchures, la désinfection au grésil, le tatouage sur le bras gauche B 3946 font perdre en très peu de temps le sentiment d’être un humain. Le vêtement de bagnard, trop petit ou trop grand, les semelles de bois à lanières, la gamelle à attacher dans le passant du pantalon achèvent la déshumanisation.
Dès le premier jour, Daniel décharge à mains nues des wagons de charbon. Quelques jours après, il est affecté au commando de Peterson, du nom du Kapo, pour creuser une énorme tranchée à l’extérieur du camp. Le Kapo était « un sadique, brutal, mais son adjoint Hantz me paraissait plus bonhomme ».
Le travail commence au lever du jour après l’appel du matin où l’on compte les présents … et les morts restés dans le bloc.
Le travail est éreintant, ceux qui s’arrêtent sont battus, quelquefois à mort. Le déjeuner se compose d’une soupe « Plus ou moins épaisse et nourrissante ». L’hiver, très froid en Pologne, les vêtements restaient les mêmes et il fallait creuser, sans gants, avec « les mêmes pauvres outils ». Ni samedi, ni dimanche, seul le jour de Noël 1944 n’est pas travaillé.
Daniel n’a toujours que 13 ans, la journée de travail s’achève à la tombée de la nuit. L’appel du soir est particulièrement pénible en raison de la fatigue mais certains jours, quand il y avait eu une tentative d’évasion, il fallait en plus assister à la pendaison du malheureux et à sa longue agonie du fait de son faible poids.
Le 21 janvier 1945 : face à l’avancée des troupes russes, le camp est évacué par les Allemands.
Daniel et son frère partent du camp d’Auschwitz avec ceux qui sont encore valides, une couverture sur le dos et une miche de pain. « Neuf jours d’errance, de marche harassante ou en wagon découvert, quelquefois mitraillés par des avions alliés qui avaient repéré les uniformes allemands de nos convoyeurs ». Ce sont 60 000 déportés qui prennent la route dans ce qu’on appelle « les marches de la mort ».
Le 30 janvier 1945, ils arrivent au camp central de Mauthausen et, de là, dans un premier camp annexe construit en dur, puis dans un second camp de baraques en bois, et enfin dans un troisième camp sous tente, probablement le camp de Gunskirchen, à 80 km du camp central de Mauthausen. C’est un camp en toile où sont rassemblés les déportés qui n’auraient jamais dû arriver vivants, les Juifs des camps de l’est, dans un total abandon.
C’est à Mauthausen que Daniel a eu 14 ans, le 19 février 1945.
Le 4 ou 5 mai 1945 : annonce est faite de l’impossibilité de garantir la ration alimentaire (soupe et pain), le lendemain les gardiens s’enfuient, les déportés ne sont plus gardés mais attendent encore une journée pour quitter le camp, pour ne pas essuyer de coup de feu perdu. Daniel et Henri, très affaiblis, gisant à même le sol, parmi les excréments et les cadavres, parviennent à sortir : il fait beau. Ils ne vont pas bien loin et s’écroulent dans une cabane ou un grenier. C’est là qu’ils sont découverts par les Américains.
Daniel ne pèse plus que 29 kg, le poids de ses os, il sombre, épuisé par la faim, la dysenterie, le typhus et le scorbut.
Grâce à la démarche de son frère, il est pris en charge par une personne portant un brassard de la Croix Rouge, qui le charge enfin sur un brancard.
Il perd conscience, reste environ un mois dans le coma dont il sort amnésique. Rapatrié par petites étapes, il arrive dans le Jura. Devant le médecin qui tient une lettre, il reconnaît l’écriture de son frère par transparence. Il s’effondre en larmes et la mémoire lui revient.
De retour à Paris début octobre 1945, il retrouve Henri et sa petite sœur. Rentré plus tôt, Henri a en effet retrouvé leur petite sœur, grâce à la famille d’accueil qui venait à l’hôtel Lutetia où la liste des revenants était tenue à jour et affichée. Des retrouvailles en pointillés, car Henri est soigné pour une pleurésie dans un sanatorium en Suisse.
Daniel est placé dans une maison de convalescence, dans un château des Yvelines, et la famille Lazare qui possède le château s’occupera des trois enfants. Daniel reprend ses études en 1946, se marie à 22 ans, prend alors sa sœur à la maison, puis devient père d’une famille de sept enfants, il a, en 2017, 13 petits enfants.
Tous les ans il intervient dans les établissements scolaires pour témoigner et c’est au lycée Émilie-de-Breteuil, de Montigny-le-Bretonneux, que la classe de première professionnelle microtechnique l’a rencontré.
Ce texte a été relu et validé par Daniel Urbejtel lui-même le 16 novembre 2017
Merci pour ce témoignage. Je vais tenter de l’imprimer et le lire à mes élèves
Chère professeur,
nous restons à votre disposition pour toute question ou renseignement qui vous serait utile sur notre projet.
Cordialement
Serge Jacubert
[…] Poèmes rédigés par les 1ES2 après leur visite du Panthéon, du mémorial de la Shoah et leur rencontre avec un rescapé d’Auschwitz M.Daniel Urbejtel […]
De la part de la classe du lycée Jeanne d’Arc de Nancy,
Poèmes rédigés par les 1ES2 après leur visite du Panthéon, du mémorial de la Shoah et leur rencontre avec un rescapé d’Auschwitz M.Daniel Urbejtel
Lien internet :
https://www.lyceejeannedarcnancy.com/poemes-rediges-par-les-1es2-apres-leur-visite-du-pantheon-du-memorial-de-la-shoah-et-leur-rencontre-avec-un-rescape-dauschwitz-m-daniel-urbejtel/
[…] Certains se demandaient par exemple comme être de « bons passeurs » de la mémoire. Voir la biographie de Daniel Urbejtel réalisée par la classe de 1re professionnelle microtechnique, du lycée Émilie-de-Breteuil, de […]
[…] les témoignages d’Yvette Lévy et de Daniel Urbejtel, survivants du convoi 77. Voir la biographie de Daniel Urbejtel réalisée par la classe de 1re professionnelle microtechnique, du lycée Émilie-de-Breteuil, de […]
[…] déporté du Convoi n°77 et plus jeune survivant français de la Shoah. Vous pouvez consulter ici la biographie de Daniel Urbejtel, publiée sur le site de Convoi 77 et réalisée par Dominique […]
Thank you for your story. i am moed and impressies and i’m happy you survived and live on in children and grandchildren.
Kind regards and all my respect
Eric linssen
Col
bonjour,
immense joie,émotion, et quelle surprise hier soir à la tv de voir Daniel URBEJTEL , avec qui j’ai eu le bonheur de partager des moments forts sur le plan humain(nous sévissions dans la meme profession dans les années 70 ) et j’apprends aujourd’hui ce qu’il a vécu….bien qu’étant moi meme petit fils de Juif déporté à Auchwitz, jamais il ne m’en a parlé. Ce qui prouve , s’il en était encore besoin, son humanité, sa discrétion; quel GRAND BONHOMME décidement; Si possible transmettez lui mon meilleur souvenir et toute mon affection. Bernard Delmotte