Régine JACUBERT, née SKORKA
Rivka (Régine) SKORKA naît à Zagorow, Voïvodie de Grande Pologne, le 24 janvier 1920. Son père, Jacob SKORKA, est rabbin, sa mère, Slatka, née Szejman, est modiste et vend des chapeaux à Słupca. Rivka a trois frères, Yerme (Jérémie puis Jérôme), Lajb (Léon) et Zalme (Zali).
En 1929, Jacob réussit à immigrer en France, pour y travailler en usine, dans la ville de Nancy, où la sœur de Slatka s’était établie et mariée auparavant.
En 1930, Slatka, Rivka et ses trois frères rejoignent Jacob à Nancy. Zalme, de santé fragile, succombe à une broncho-pneumonie en 1932. Rivka devient Régine, Yerme devient Jérôme et Lajb devient Léon.
1938 : Jacob et sa famille sont déclarés apatrides par le gouvernement polonais. Les demandes de naturalisation sont ajournées.
1940 : les SKORKA fuient la progression de l’armée allemande et arrivent à Libourne (Bordeaux). Jacob et Jérôme sont ouvriers agricoles, Slatka et Régine préparent les repas. Cet intermède aux champs ne dure pas, sans doute par manque d’efficacité des « ouvriers agricoles ». La famille déménage à Bordeaux, et chacun trouve un « petit boulot », Régine retourne travailler sur les marchés.
Septembre 1940, Régine retourne à Nancy pour rouvrir son étal au marché, cependant que Vichy publie son premier statut des Juifs.
Décembre 1940, toute la famille SKORKA, à l’exception de Régine, est internée au camp de La Lande, à Monts, près de Tours.
1941 : Pierre Marie, adjoint d’Édouard Vigneron, du bureau de police des étrangers de Nancy, établit une « vraie-fausse carte d’identité » pour Régine au nom de HIEBEL, née à Metz. Régine se sert de cette carte pour rendre régulièrement visite à sa famille au camp.
Octobre 1941 : Jérôme s’évade, pour éviter d’être piégé en camp fermé (auparavant le camp de la Lande était ouvert) et rejoint Dijon. Régine vient le chercher, cachée dans une poubelle de wagon restaurant, par des cheminots résistants (la sortie de la zone rouge était devenue plus difficile). Jérôme n’avait pas de papiers, mais la chance l’aida à rentrer à Nancy avec Régine (histoire à lire dans le livre de Régine).
Fin 1941, Régine est jugée et condamnée au tribunal de Nancy pour exercice illégal de commerce, sans patente (les commentaires du journal montrent un visage peu glorieux du journalisme nancéien de l’époque).
Juillet 1942 : les policiers du bureau des étrangers avertissent les Juifs de Nancy d’une rafle programmée et sauvent environ 300 personnes. Fin du mois, Régine et des membres de la famille de sa tante passent avec succès en zone libre, aidés, puis mis en difficulté par un passeur véreux.
Jérôme part également pour la zone libre, avec, lui aussi, une vraie-fausse carte d’identité au nom d’Hubert Hiebel, né à Metz.
Août 1942 : Régine apprend que ses parents et son frère Léon sont arrêtés. Elle n’aura plus de nouvelles. Ses parents sont déportés dans le convoi 31, le 11 septembre ; son frère dans le convoi 8 du 20 juillet.
Ce mois d’août, Régine s’engage dans l’Armée Secrète, à l’instigation d’un militaire rencontré fortuitement à Lyon.
Octobre 1942 : Régine est alertée par sa tante, sœur de sa mère Slatka, qui se prénomme aussi Régine, que les trois enfants d’un de leurs frères, Rubin Szejman, ont été placés dans une famille juive française à Châtellerault, alors que les parents, Juifs étrangers, ont été arrêtés. Régine, sans réfléchir, fonce sur place, essuie le refus de la famille hébergeant les enfants de les laisser partir, puis les enlève à la sortie de l’école et les exfiltre clandestinement, en charrette à foin, puis en train, dans des conditions rocambolesques, jusqu’à Limoges, en zone libre. Elle regagne ensuite Lyon, et partage une maison à La Croix-Rousse, avec Jérôme et deux autres familles juives. Jérôme passe dans la clandestinité sous un nouveau faux nom, après un épisode Chantier de Jeunesse et STO, à lire dans le livre écrit par Jérôme (L’itinéraire d’un adolescent juif de 1939 à 1945).
1943 : Régine apprend de nouvelles disparitions dans sa famille de Nancy, elle quitte l’AS et rejoint l’Union de la Jeunesse Juive. Régine habite à côté de la place des Terreaux à Lyon, rue de l’Annonciade, un appartement dans une maison avec traboule. Pendant tout ce temps, Régine assure sa subsistance en travaillant comme vendeuse de chaussures, chez Madame Tabouret, place des Terreaux (une femme admirable). Les activités de résistance sont aussi le lot de tous les jours.
1944 : 6 juin, débarquement. Régine arrête le travail pour les activités à temps plein dans la résistance.
22 juin : arrestation de Jérôme, au domicile de la rue de l’Annonciade, par des miliciens, dirigés par un membre de la Gestapo. Régine tombe dans le piège et est arrêtée également. Internement au camp de Montluc, interrogatoires conduits par celui sur qui ils ne mettront un nom que bien plus tard : Klaus Barbie. Identifiés comme Juifs, ils ne sont pas fusillés, mais partent pour Drancy.
31 juillet – 2 août : convoi n° 77, Drancy Auschwitz.
Fin octobre : Régine est « sélectionnée » pour rejoindre Krazau, antenne de fabrication de munitions en Tchéquie du nord du camp de Gross Rosen, où les conditions restent horribles, mais où il n’y a plus l’appel du matin et sa menace de mort avec la sélection.
9 mai 1945 : seconde naissance, libération du camp de Krazau, le lendemain de la fin de la guerre, par des partisans tchèques.
Régine Skorka, épouse Jacubert, a eu 96 ans en janvier 2016, a deux fils, Jacques et Serge, quatre petits-enfants et deux arrière-petites-filles. Elle habite à Nancy, où elle a reçu de nombreux honneurs de la ville. A la suite de son frère Jérôme, Régine a témoigné devant de nombreuses classes d’élèves, pour que les jeunes sachent ce qui a pu arriver et peut encore arriver.
En 1987, avec Jérôme, Régine est témoin à charge au procès de Klaus Barbie, à Lyon.
Elle est faite Chevalier de la Légion d’Honneur, à Paris, au pied de l’Arc de Triomphe, le 8 mai 2005 par Monsieur Jacques Chirac, président de la République.
Régine décède paisiblement, à son domicile, le 1° décembre 2016. Les hommages sont locaux, avec un cercueil revêtu du drapeau national, des éloges de deux anciens ministres et de ses proches, dont ses petits-enfants, mais aussi nationaux avec un communiqué de la ministre de l’Éducation, des articles dans les principaux journaux comme Le Monde et le Figaro.