Blandine Renard : « Nos élèves ont grandi, muri avec ce projet »

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Blandine Renard, Olivier Charnay et des élèves du collège Alexis Kandelaft à Chazay d’Azergues, dans le Rhône, ont travaillé sur la biographie d’Eliette Meyer, assassinée à Auschwitz à l’âge de 40 ans. Ce travail fait partie des onze projets européens sélectionnés par le ministère de l’Education nationale.

Pouvez-vous vous présenter et nous présenter votre classe ?

Je suis enseignante d’histoire-géographie. J’ai participé au projet européen Convoi 77 avec dix élèves de troisième qui s’étaient portés volontaires. Le travail a été mené entièrement durant le confinement du printemps 2020, à la suite d’un voyage de deux jours en Pologne organisé par le département du Rhône.

Je travaille depuis plusieurs années avec Séverine Koprivnik, médiatrice du Mémorial National de la prison de Montluc à Lyon et nous avions évoqué une future participation commune. Après le déplacement en Pologne, en février 2020, et la réalisation d’une vidéo avec les élèves, elle m’a proposé de participer dès le mois d’avril au projet afin de réaliser la biographie de Madame Eliette Meyer.

Déportée lyonnaise du convoi 77 avec son fils de 15 ans et demi, elle disparaît à Auschwitz le 3 août 1944. Son fils, Monsieur Claude Bloch, rescapé, avait déjà témoigné dans mes classes un an auparavant.

Je ne me suis pas lancée dans l’aventure seule. En effet, je travaille depuis plus de dix ans avec un collègue de lettres classiques, Olivier Charnay, et, après une courte réflexion, nous nous sommes engagés dans la rédaction de la biographie et dans les recherches avec les élèves volontaires.

Comment avez-vous organisé ce travail collectif dans le cadre du projet Convoi 77 ?

Le contexte était très particulier avec le confinement général pour tous, les cours en distanciel et aucune rencontre possible. La direction de notre établissement nous a fortement soutenus et Olivier Charnay a mis en place tous les outils numériques pour faire avancer le projet.

Nous étions quatre adultes en charge du projet durant le confinement : Olivier Charnay et moi-même en tant qu’enseignants, Séverine Koprivnik, qui nous a permis l’accès aux archives, et Philippe Perron du réseau Canopé qui a suivi le projet pour en faire un film d’une vingtaine de minutes.

En effet nous avions décidé dès le début de ce travail de proposer deux formes de restitution pour le projet : la biographie d’Eliette Meyer ainsi qu’un film qui montre la manière dont nous avons travaillé dans ces conditions exceptionnelles lors du confinement.

Nous avons donc organisé un système de visioconférences hebdomadaires filmées pour l’ensemble du groupe, un partage des ressources numériques via des plateformes telles que Discord et Zoom, des ateliers d’écriture via des éditeurs de textes collaboratifs tels que Framapad.

Les élèves ont été répartis par groupes de travail. Ils devaient se filmer en train de travailler chez eux, en lien avec leurs camarades par téléphone ou via les réseaux sociaux. Nous sommes donc restés très connectés durant ce confinement et les élèves ont été absolument remarquables de curiosité et d’ingéniosité. Ils ont notamment enregistré des voix-off depuis chez eux.

A la sortie du confinement, en juin 2020, nous avons pu interviewer Claude Bloch au Mémorial de Montluc. Cette rencontre reste pour les élèves le moment fort de ce projet. Le film a ensuite été monté par Philippe Perron et Olivier Charnay puis présenté officiellement au collège en présence de M. Claude Bloch et des membres du projet Convoi 77.

Quel a été l’impact de ce travail, d’un point de vue individuel (en ce qui vous concerne, en ce qui concerne les élèves…) mais aussi plus largement (au niveau de l’école, de la municipalité ou autres) ?

L’aventure a été profondément humaine, à tous les sens du terme.

En effet, la nature même du projet et le sens que les élèves ont su lui donner, avec notre aide, ont guidé les recherches dans les archives, les questions posées, les vérifications dans le but de comprendre, de retracer et de raconter la vie d’une victime de la Shoah. Ils ont découvert l’anéantissement, la disparition, avec l’absence de documents, de souvenirs parfois.

Les dix élèves ont gagné en autonomie, en rigueur grâce à leurs recherches. Mais surtout, ils ont grandi, muri avec ce projet et pris conscience de leur rôle de transmetteur de la mémoire de la Shoah.

La mise en œuvre atypique du travail, initié et effectué à distance durant le confinement, en un temps restreint car nos élèves quittaient définitivement le collège à la fin du mois de juin, a permis la construction de liens de confiance entre les jeunes, avec les jeunes et entre nous. Nous avons subi le confinement mais c’est aussi grâce à celui-ci que nous avons pu réaliser ensemble cette biographie.

Ce projet a par ailleurs fédéré plusieurs parents qui nous avaient soutenus pendant les recherches et parfois même aidés.

La biographie a été très chaleureusement accueillie lors de sa restitution au collège en présence des représentants du recteur d’académie, du département et de Monsieur Claude Bloch.

Relayée sur les réseaux, elle a bénéficié d’une couverture médiatique régionale avec plusieurs articles de journaux, une émission de radio et quelques minutes au JT de France 3 Lyon.

Votre travail a été sélectionné parmi les projets les plus remarqués, quel sentiment cela vous procure/cela procure aux élèves ?

C’est tout d’abord l’émotion qui a dominé, pour tous. Les élèves ont été très touchés par la reconnaissance de leur travail mais aussi par les mots de Monsieur Bloch face à la biographie de sa maman. Il nous a fait confiance et a accepté de nous confier la seule et unique photo de sa mère.

Beaucoup de fierté aussi face au travail accompli tous ensemble, au vu des conditions et de la difficulté de mise en œuvre, enfermé chacun chez soi.

J’ai, par ailleurs, eu le privilège de présenter le projet à l’université d’été du Mémorial de la Shoah.

La plus belle réussite à nos yeux, c’est le fait que des élèves ont été capables de raconter à d’autres la vie d’Eliette Meyer.

Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à d’autres enseignants qui souhaiteraient participer au projet ?

TRAVAILLER EN ÉQUIPE ! A plusieurs avec des collègues de même ou d’autres disciplines. Ensuite, c’est de trouver des partenaires à l’extérieur de l’Éducation nationale, dans des musées, des mémoriaux, aux archives.

Ne surtout pas hésiter à responsabiliser les élèves en leur donnant des tâches précises et les laisser chercher, appeler, envoyer des mails…

Je conseillerais également de ne pas se fixer d’objectif de résultats : juste chercher à retracer une vie, avec les manques, les vides, pour faire vivre la mémoire de la Shoah avec les élèves en utilisant leurs outils de communication.

Le film réalisé par les élèves de Blandine Renard : 

 

Pour relire notre article sur le travail de cette classe pendant le confinement, cliquez ici.

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